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La distinction politique et morale

1) définissez les termes de « politique » et de « morale »

2)  selon l’opinion commune, quelles relations entretiennent la politique et la morale ? et selon vous, de manière spontanée ?

 3)  qu’est-ce que le machiavélisme ?

 4)  lisez les deux textes de Max Weber (ci-dessous) :

– texte 1 : comment Weber définit-il l’Etat ? selon vous, quelles conséquences faut-il alors en déduire quant aux relations entre la politique et la morale ?

– texte 2 : résumez la distinction entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité ; quelle éthique est selon vous applicable aux hommes politiques ?

5) Après avoir réfléchi et lu ces textes, pensez-vous que la politique doit être morale ?

Machiavel, Le prince, (1515) chapitre 18 : Comment les princes doivent tenir leur parole.

Chacun comprend combien il est louable pour un prince d’être fidèle à sa parole et d’agir toujours franchement et sans artifices. De notre temps, néanmoins, nous avons vu de grandes choses exécutées par des princes qui faisaient peu de cas de cette fidélité et qui savaient en imposer aux hommes par la ruse. Nous avons vu ces princes l’emporter enfin sur ceux qui prenaient la loyauté pour base de toute leur conduite. On peut combattre de deux manières : ou avec les lois, ou avec la force. La première est propre à l’homme, la seconde est celle des bêtes; mais, comme souvent celle-là ne suffit point, on est obligé de recourir à l’autre : il faut donc qu’un prince sache agir à propos, et en bête et en homme. (…) Le prince, devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les pièges ; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les pièges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent simplement à être lions sont très malhabiles. Un prince bien avisé ne doit point accomplir sa promesse lorsque cet accomplissement lui serait nuisible, et que les raisons qui l’ont déterminé à promettre n’existent plus : tel est le précepte à donner. Il ne serait pas bon sans doute, si les hommes étaient tous gens de bien ; mais comme ils sont méchants, et qu’assurément ils ne vous tiendraient pas leur parole, pourquoi devriez-vous tenir la vôtre ? (…) Au surplus, dans les actions des hommes (…), ce que l’on considère, c’est le résultat. Que le prince songe donc uniquement à conserver sa vie et son Etat : s’il y réussit, tous les moyens qu’il aura pris seront jugés honorables et loués par tout le monde. Le vulgaire est toujours séduit par l’apparence et par l’événement : et le vulgaire ne fait-il pas le monde? De notre temps, nous avons vu un prince qui jamais ne prêcha que paix et bonne foi, mais qui s’il avait toujours respecté l’une et l’autre, n’aurait pas sans doute conservé son Etat et sa réputation.

 

Max Weber, Le Savant et le politique ( 1919), trad. J. Freund, E. Fleischmann et É. de Dampierre, Éd. Plon, coll. 10/18, p. 124. Le monopole de la violence légitime

S’il n’existait que des structures sociales d’où toute violence serait absente, le concept d’État aurait alors disparu et il ne subsisterait que ce qu’on appelle, au sens propre du terme, l’ « anarchie »1. La violence n’est évidemment pas l’unique moyen normal de l’État – cela ne fait aucun doute -, mais elle est son moyen spécifique. De nos jours la relation entre État et violence est tout particulièrement intime. Depuis toujours les groupements politiques les plus divers – à commencer par la parentèle2 – ont tous tenu la violence physique pour le moyen normal du pouvoir. Par contre il faut concevoir l’État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d’un territoire déterminé – la notion de territoire étant une de ses caractéristiques -, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.

1 au sens “propre” ou étymologique : où il n’y a pas de pouvoir.

2 Famille au sens élargie, ensemble des parents.

 

Max Weber, Le Savant et le Politique (1919), trad. J. Freund revue par E. Fleischmann et É. de Dampierre,  colt. «Bibliothèques», 1963, p. 206-207. Éthique de conviction et éthique de responsabilité

  « Il est indispensable que nous nous rendions clairement compte du fait suivant: toute activité orientée selon l’éthique peut être subordonnée à deux maximes totalement différentes et irréductiblement opposées. Elle peut s’orienter selon l’éthique de la responsabilité ou selon l’éthique de la conviction. Cela ne veut pas dire que l’éthique de conviction est identique à l’absence de responsabilité et l’éthique de responsabilité à l’absence de conviction. Il n’en est évidemment pas question. Toutefois il y a une opposition abyssale’ entre l’attitude de celui qui agit selon les maximes de l’éthique de conviction – dans un langage religieux nous dirions : « Le chrétien fait son devoir et en ce qui concerne le résultat de l’action il s’en remet à Dieu» – et l’attitude de celui qui agit selon l’éthique de responsabilité qui dit: « Nous devons répondre des conséquences prévisibles de nos actes. » Vous perdrez votre temps à exposer, de la façon la plus persuasive possible, à un syndicaliste convaincu de la vérité de l’éthique de conviction que son action n’aura d’autre effet que celui d’accroître les chances de la réaction, de retarder l’ascension de sa classe et de l’asservir davantage, il ne vous croira pas. Lorsque les conséquences d’un acte fait par pure conviction sont fâcheuses, le partisan de cette éthique n’attribuera pas la responsabilité à l’agent, mais au monde, à la sottise des hommes ou encore à la volonté de Dieu qui a créé les hommes ainsi. Au contraire le partisan de l’éthique de responsabilité comptera justement avec les défaillances communes de l’homme (car, comme le disait fort justement Fichte–, on n’a pas le droit de présupposer la bonté et la perfection de l’homme) et il estimera ne pas pouvoir se décharger sur les autres des conséquences de sa propre action pour autant qu’il aura pu les prévoir ».