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PEUT-ON PARLER D'UNE OPPOSITION ENTRE LES PASSIONS ET LA RAISON ? |
II- VERS LA NATURALISATION/ RÉHABILITATION DES PASSIONS...
Dans notre première partie, nous avons considéré la passion dans son sens le plus courant, celui d'obsession, et donc, de déséquilibre; en ce sens, elle était un mélange d'affection et de jugement, donc, construction de l'esprit. Mais n'était-ce pas aussi le sens le plus étroit du mot passion? Toutes les passions sont-elles synonymes d'obsession, et aussi, d'illusion, de perte du sens de la réalité? Sont-elles toutes mauvaises en soi? Et ne sont-elles pas de toute façon naturelles, i.e., essentielles à l'homme?
A travers toutes ces questions, qui sont, si on veut, celles qui traversent l'uvre de Descartes, nous allons pouvoir essayer de mettre en question l'opposition passions et raison, et sa conséquence selon laquelle il faudrait s'en débarrasser
A- Descartes, Traité des Passions de l'Ame, l'affectivité des passions.
a) qu'est-ce que la passion chez Descartes?
C'est, comme on le voit dans le Traité des passions de l'âme (art 27 et 37), un fait psychologique, que l'on ressent "comme en l'âme même", qui a pour origine le corps. Modification que l'âme subit du fait de son union avec le corps.
Descartes, Traité des passions de l'âme, Ed. Livre de Poche, article 37 :
"Après avoir considéré en quoi les passions de l'âme diffèrent de toutes ses autres pensées, il me semble qu'on peut généralement les définir des perceptions, ou des sentiments, ou des émotions de l'âme, qu'on rapporte particulièrement à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits." |
b) Si Descartes dit que les passions sont causées, de façon immédiate, par le corps, ou les esprits animaux, comment se fait-il qu'elles ne sont pas rapportées à lui, mais à l'âme?
C'est qu'elles ne sont pas sujettes à un contrôle volontaire, qu'elles sont subies par l'âme (art 17, 38).
En cela, on peut dire qu'il revient au sens ancien du mot (patior, supporter, souffrir), qui signifie un accident, un processus consistant à subir une action venant, non de nous-mêmes, mais du monde extérieur.
Bref, la passion, c'est chez lui tous les phénomènes passifs de l'âme, tous les états affectifs (plaisir, douleur, émotion), subis par l'âme du fait de son union avec le corps, liés, donc, aux vicissitudes de notre existence corporelle.
On pourrait être ici tenté d'objecter que la définition générique des passions que donne Descartes, revient à une confusion, celle entre passion et émotion; et même entre passion, sentiment, et émotion. Que gagne-t-on à utiliser ainsi des termes qu'on avait pris le soin de séparer?
C'est que Descartes veut en revenir au véritable usage du terme de "passion", fidèle à l'étymologie; ainsi la passion n'est pas confondue avec le sentiment tout court, il reconnaît bien qu'elles peuvent avoir un caractère excessif; le sentiment étant condition de possibilité de la passion, il est légitime de généraliser (cf. art 56)
Descartes insiste ainsi sur un aspect qui demeurait absent de l'analyse kantienne, à savoir, l'ancrage des passions dans la vie du corps, dans la sensibilité; (caractère qui était omis du fait qu'on définissait les passions par ce qui ne vaut pas de toute passion, à savoir, la "monomanie")
Conclusion : ce que nous montre la définition cartésienne des passions, c'est qu'il paraît impossible de ne pas avoir de passions, contrairement à ce que croyait, après les stoïciens, Kant : en effet, il devient tout aussi impossible de ne pas éprouver de passions que de ne pas avoir de sensations, car nous avons un corps.
Les passions ne nous sont données, nous dit encore Descartes, "que pour le bien (la conservation) du corps". Les passions ont donc une fonction naturelle, qui consiste à "inciter l'âme à vouloir les choses que la nature dicte nous être utiles, et à persister dans notre volonté" (articles 40 et 52).
Signification de cette thèse : les passions ne sont pas par définition perte du bon sens, manque d'adaptation à la réalité, maladie dangereuse menant le plus souvent à notre perte. Au contraire, elles sont là pour nous maintenir en vie; si nous ne les avions pas, nous ne survivrions pas, puisque le monde n'aurait aucun effet sur nous, et nous ne serions jamais avertis des dangers (exemples : sentir que tel produit est périmé, etc.)
S'enfuir en face d'un danger (cf. article 40 "le sentiment de la peur (nous) incite à vouloir fuir, celui de la hardiesse à vouloir combattre").
Ou encore : l'âme n'est avertie de la présence des choses qui nuisent au corps que par le sentiment qu'elle a de la douleur, qui produit la passion de la tristesse, puis la haine pour ce qui cause cette douleur, puis enfin le désir de s'en délivrer (article 137)
les passions ne sont donc pas mauvaises en elles-mêmes (cf. 211 et 212), mais seulement quand elles sont le produit des effets d'un aveuglement qui compromet la lucidité.
Descartes dit ainsi en 211 que les passions sont "toutes bonnes de leur nature, et que nous n'avons rien à éviter que leurs excès"; elles peuvent donner lieu à un bon usage, il serait donc inutile de s'en débarrasser.
Ainsi Descartes, quand il décrit les passions, va à chaque fois donner leur mauvais usage et leur bon usage :
Cf. articles 76 et 78 : l'admiration peut être bonne ou mauvaise, selon qu'il y a excès ou pas; 97 : l'amour, utile à la santé, quand lui aussi il n'est pas excessif;
Il va même jusqu'à conclure son traité, art 212, par ces mots : "c'est d'elles seules que dépend tout le bien et tout le mal de cette vie : pour les plaisirs que l'âme a en commun avec le corps, ils dépendent entièrement des passions, en sorte que les hommes qu'elles peuvent le plus émouvoir sont capables de gôuter le plus de douceur en cette vie".
Les passions, bien guidées par la raison, deviennent des vertus; cf. art 206 : la gloire et la honte nous "incitent à la vertu, l'une par l'espérance, l'autre, par la crainte; il n'est donc pas utile de se débarrasser de ces passions"; et fin art 212 : "il est vrai que (les hommes) peuvent aussi trouver (dans les passions) le plus d'amertume lorsqu'ils ne savent pas les bien employer, et que la fortune leur est contraire. Mais la sagesse est principalement utile en ce point, qu'elle enseigne à s'en rendre tellement maître et à les ménager avec tant d'adresse, que les maux qu'elles causent sont fort supportables, et même qu'on tire de la joie de tous".
Il n'y a donc plus de rapport conflictuel mais harmonieux entre passions et raison et passions et morale.
Ainsi, ne va-t-on en aucun cas chercher à s'en débarrasser (en b) on a vu que c'était impossible et dangereux, maintenant, que cela mènerait presque à ne plus avoir de vie morale, de vertu), mais seulement à les modérer.
Problème : il y a toujours cette idée de modération des passions : on sous-entend donc encore que, laissées à elles-mêmes, elles gêneraient la tranquillité de l'âme, ou qu'elles sont, si on n'y fait pas attention, inadaptation au réel.
Question : Descartes a dit que les passions sont bonnes en soi, mais il dit encore que les passions "excessives", donc en fait les passions au sens de Kant, sont mauvaises. Peut-on aller plus loin, et dire que, après tout, l'emportement passionnel lui-même est, non seulement nécessaire, mais encore, louable? C'est en tout cas thèse de Hegel et des romantiques allemands du 18e.
Hegel, quand il dit que "rien de grand...", reprend une thèse des romantiques (cf. Helvétius), mais en la complétant.
1) Que disent les romantiques (du 18e)?
a) Tout ce qu'ils disent va être une réaction au criticisme kantien.
Cf. cours philosophie, partie III et cours kant : science et métaphysique, pour plus de détails.
Si en effet le criticisme est vrai, alors, il n'y a plus moyen de connaître Dieu, l'âme, ce qui se cache derrière les phénomènes naturels : le criticisme kantien a déclaré que la métaphysique n'est pas une connaissance, l'homme est ainsi fait qu'il veut connaître ces choses là, mais qu'il ne peut y atteindre.
Ils vont quant à eux répondre à Kant que l'on peut connaître l'absolu, mais pas, comme l'avait bien vu Kant, avec notre entendement : on le peut à l'aide du sentiment.
C'est ce qu'on a appelé le "Sturm und Drang" (tempête et émotion).
b) Par suite, ils ont une autre conception de l'homme
L'homme, contrairement à Kant, ne se définit nullement par l'universalité de sa raison, mais par sa sensibilité. La sensibilité devient donc ce qu'il y a de plus grand.
c)Ils ont donc loué les passions, et les premiers ils ont déclamé avec enthousiasme que "rien de grand...".
Cf. Diderot, § 1 à 5 des Pensées philosophiques : les passions sont ce qui permet la création d'uvres d'art, de choses "sublimes"
Diderot, Pensées philosophiques, Ed. GF, §1 :
"On déclame sans fin contre les passions; on leur impute toutes les peines de l'homme, et l'on oublie qu'elles sont aussi la source de tous ses plaisirs. C'est dans sa constitution un élément dont on ne peut dire ni trop de bien ni trop de mal. Mais ce qui me donne de l'humeur, c'est qu'on ne les regarde jamais que du mauvais côté. On croirait faire injure à la raison, si l'on disait un mot en faveur de ses rivales. Cependant il n'y a que les passions, et les grandes passions, qui puissent élever l'âme aux grandes choses. Sans elles, plus de sublime, soit dans les murs, soit dans les ouvrages; les beaux-arts retournent en enfance, et la vertu devient minutieuse."
§3 :
"Les passions amorties dégradent les hommes extraordinaires. La contrainte anéantit la grandeur et l'énergie de la nature. Voyez cet arbre; c'est au luxe de ses branches que vous devez la fraîcheur et l'étendue de ses ombres : vous en jouirez jusqu'à ce que l'hiver vienne le dépouiller de sa chevelure. Plus d'excellence en poésie, en peinture, en musique, lorsque la superstition aura fait sur le tempérament l'ouvrage de la vieillesse." |
Signification : les passions ne sont pas passives, mais au contraire, sont ce qui nous rend actifs, ce sans quoi nous n'agirions pas.
Aujourd'hui, on est un peu "imbibé" par ce genre de thèse : on pense en effet qu'une vie authentique, c'est une vie passionnée, intense, i.e. : elle ne vaudrait pas la peine d'être vécue, si on n'avait pas de passions. La passion, parce qu'elle est exaltation, détruit la grisaille de la vie quotidienne, fait qu'on va la supporter.
a) Mais il va aussi en faire une synthèse.
Il reconnaît en effet que contre Kant, il y a un savoir absolu possible, et surtout, que l'homme n'est pas et même n'a pas à être un pur sujet rationnel, n'ayant en vue que les intérêts de la raison, dits universels (ce qui est l'acquis des romantiques).
Mais, contre les romantiques, il reconnaît avec Kant qu'un sujet seulement sensible, réduit à sa seule sensibilité, à ses passions, est quelqu'un à qui il manque quelque chose.
b) Cela va le conduire à ré-interpréter, d'une manière très originale, la thèse selon laquelle "rien de grand ne s'est fait dans le monde sans passion".
Dans l'histoire universelle nous avons affaire à l'idée telle qu'elle se rnanifeste dans l'élément de la volonté et de la liberté humaines. Ici la volonté est la base abstraite de la liberté, mais le produit qui en résulte forme l'existence éthique du peuple. Le premier principe de l'Idée est l'Idée elle-même, dans son abstraction ;l'autre principe est constitué par les passions humaines. Les deux ensemble forment la trame et le fil de l'histoire universelle. L'Idée en tant que telle est la réalité; les passions sont le bras avec lequel elle gouverne. Ici ou là, les hommes défendent leurs buts particuliers contre le droit général; ils agissent librement . Mais ce qui constitue le fondement général, l'élément substantiel, le droit n'en est pas troublé. Il en va de même pour l'ordre du monde. Ses éléments sont d'une part les passions, de l'autre la Raison. Les passions constituent l'élément actif . Elles ne sont pas toujours opposés à l'ordre éthique; bien au, contraire, elles réaliseront l'Universel. En ce qui concerne la morale des passions, il est évident qu'elles n'aspirent qu'à leur propre intérêt . De ce côté-ci, elles apparaissent comme égoïstes et mauvaises. Or ce qui est actif est toujours individuel: dans l'action je suis moi-même, c'est mon propre but que je cherche à accomplir . Mais ce but peut être bon, et même universel. L'intérét peut être tout à fait particulier mais il ne s'ensuit pas qu'il soit opposé à l'Universel. L'Universel doit se réaliser par le particulier.( ...) Nous disons donc que rien ne s'est fait sans être soutenu par I'intérêt de ceux qui y ont collaboré Cet intérêt, nous l'appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins. En ce sens, nons devons dire que rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion.
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Résumé de sa thèse : pour Hegel, si "rien de grand ... ", c'est que la passion lui apparaît comme étant le nécessaire ressort subjectif (apparemment égoïste) qui entraîne les hommes à accomplir, sans le savoir, les buts de l'Esprit du monde.
Explication :
"Passion" : passion au sens étroit : tendance dominante et excessive, intérêt particulier et égoïste, bref, ce qui par excellence, chez Kant, s'oppose à la réalisation d'une action morale et d'une société viable;
A ce propos, Hegel joue avec le terme d'intérêt : la passion c'est non seulement l'intérêt exclusif et excessif pour quelque chose, et de surcroît pour quelque chose qui ne nous concerne que nous, mais aussi, ce qui fait qu'on s'intéresse à quelque chose, ce sans quoi on n'agirait pas
-Esprit du monde : synonymes : Idée; Dieu; le divin; la Raison
A mettre en rapport avec la providence qui se réalise au fil de l'histoire : Hegel écrit une philosophie de l'histoire, dont le véritable sujet est, non les hommes, mais la Raison -universelle-.
Hegel explique, dans La Raison dans l'histoire, que selon lui, la Raison gouverne le monde. Il reprend cette idée aux grecs ainsi qu'aux chrétiens, qui les premiers ont affirmé que la main de Dieu gouverne le monde, qu'il y a un plan caché derrière l'histoire des hommes;
De même, pour lui, il y a un plan caché de l'histoire, elle va vers une fin : la réalisation de la raison, l'avènement de la liberté, qui se confond pour lui avec l'avènement d'un Etat universel, dans lequel le droit serait en quelque sorte au service de l'individu, et dans lequel tous les hommes seraient satisfaits.
Mais cette fin, les hommes n'en sont pas tout de suite conscients; ils vont en prendre conscience au cours de l'histoire, à travers leurs actions.
C'est cette fin qui est donc le véritable moteur de l'histoire, ce vers quoi se dirigent inéluctablement les hommes; mais, ils ne le savent pas, elle les guide donc à leur insu.
Et c'est là que l'on comprend la thèse hégélienne selon laquelle les passions vont être ce qui permet de réaliser cette grande fin, cette fin heureuse et rationnelle : en effet, et en cela, il critique Kant, il estime comme les Romantiques, que les hommes, sans les passions, ne pourraient jamais réaliser le bien. En effet, les hommes sont tout simplement ainsi faits qu'ils ne feront jamais rien s'ils ne peuvent satisfaire leurs intérêts; jamais un homme n'agira pour faire le bien pour le bien, c'est impossible. Agir sans intérêt n'est pas possible.
D'où la signification de la thèse de Hegel : L'Esprit universel, la Raison du monde, étant pure raison, il est clair que sa froideur ou sa sécheresse ne pourrait entraîner, à elle seule, l'humain vers des réalisations remarquables.
Ainsi, la passion devient l'agent involontaire de l'histoire, animant les hommes pour qu'ils agissent de manière excessive. Hegel emploie la formule de "ruse de la raison" : elles sont la ruse qu'emploie la raison pour se réaliser, pour faire avancer les choses vers le mieux.
Ainsi, subjectivement satisfaits, puisque, par exemple, ils comblent leur goût de la conquête, ou leur désir de gloire, ils font avancer l'histoire dans le sens final de la rationalité. Le monde ne serait rien sans vocations qui mobilisent toutes les énergies!
Exemple type de passion à la croisée du singulier et du collectif, i.e., qui est une ruse de la raison : l'ambition : en effet, en s'efforçant de réaliser ce qu'il croit rêver de vivre, l'ambitieux réalise à son insu une part de civilisation.
Cf. rôle du héros (le "grand homme") : c'est celui qui accomplit une étape essentielle de l'histoire de l'humanité, mais qui ne sait pas qu'il l'accomplit. Napoléon est un de ces héros qui n'ont absolument pas su ce qu'ils faisaient. C'est lui qui a institué l'Etat moderne (qui est pour Hegel réalisation de la raison, union de l'universel et du particulier). Mais, il l'a fait pour instituer le bien-être de sa famille, la grandeur de son pays d'adoption. Ou encore : il a voulu prouver qu'il était le meilleur stratège de tous les temps. Bref : il n'a pas du tout "su" qu'il était en train de bâtir, en assouvissant ses passions, l'Etat moderne.
Il est donc faux de dire, comme on le disait en I, que la passion, en polarisant toute notre affectivité autour d'un unique objet, en accaparant toute notre attention, nous rend incapables d'adaptation aux circonstances.
Elle rend au contraire le monde plus réel, en le faisant avancer... La passion ne nous éloigne donc pas du réel, loin de là : elle participe au contraire à ses transformations. La raison, la vraie, est favorisée et concrétisée par les passions.
c) Ne pourrait-on pas objecter à Hegel que si les passions aboutissent à la réalisation du bien, de quelque chose de grand, c'est en fait par hasard, et que, au bout du compte, les passions ne sont qu'extérieurement conformes à la morale?
Réponse de Hegel à cette objection kantienne : c'est plutôt la morale du devoir qui, ici (i.e. : au niveau historique) serait catastrophique.
En effet, elle ne se soucie nullement de ses résultats : la volonté bonne de Kant fait le bien pour le bien, et ensuite, "advienne que pourra". Hegel se moque donc de la conscience morale kantienne, qu'il appelle la "belle âme". En fait, ce que montre Hegel, c'est que les résultats tenus pour souhaitables par la conscience morale sont obtenus, non par elle, mais par les passions, par l'intérêt, ou par des moyens immoraux "en soi" etc.
Exemple : c'est le développement du salariat, lié au mode d'exploitation capitaliste et à sa recherche du profit, qui a mené à la suppression de l'esclavage, pas une protestation naïve de la conscience morale (genre : c'est pas bien, c'est contre les droits de l'homme). La conscience morale de Kant est impuissante, inactive, et mène finalement à la réalisation contraire de son intention.
Il vaut donc mieux s'adonner à nos passions et ne penser qu'à nous-mêmes, puisque cela va donner de beaux et bons résultats. On retrouve alors l'opposé de la thèse kantienne : ce serait catastrophique que tous les hommes ne pensent qu'à agir moralement par respect pour la loi morale; car alors, la société n'est plus.
Note : toutefois, rappelons que Kant a écrit, dans ses opuscules ayant trait à la philo de l'histoire, que, au niveau, non plus privé et moral, mais historique, qui a trait au bien "commun", "public", l'amour de soi, l'ambition, etc., deviennent des instruments du progrès : l'espèce, dit-il, bénéficie de l'antagonisme des individus.
Ce à quoi nos analyses A et B nous mènent, c'est à remettre en cause le postulat qui sert ou a toujours servi à décrire et définir les passions ou le passionnel en général : à savoir, celui d'une opposition fondamentale entre les passions et la raison.