La
notion de miracle
(en
travaux)
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créée le 26/09/2006
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Résumé: La notion de miracle n'intéresse
pas seulement la religion, mais aussi et surtout la science.
Quelles sont les limites de cette dernière ? Que
vaut le postulat selon lequel il y aurait un cours uniforme
et régulier de la nature ?
Cette
notion permet également d'approfondir la notion de
probabilité, puisqu'il s'agit de savoir si le miracle
ne serait pas tout simplement ce qui n'est que très
peu probable; et quelles sont les raisons de croire aux
témoignages en leur faveur...
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liens associés
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cours croyance
- cours
probabilité
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Leibniz, Essais de Théodicée
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I-
Le miracle, une exception au cours ordinaire de la nature : le
17e
A-
Hume, Enquête sur l'entendement humain, section
X : nous ne pouvons pas croire aux miracles
1) Hume fait une distinction entre le miraculeux
et l’inhabituel (ou même le merveilleux)
2) Hume montre que nous ne pouvons pas croire aux miracles
(en les considérant comme des prodiges communiqués
par le témoignage humain)
3) Résumé de l’argument de Hume dans
la section X de l’Enquête
B-
Spinoza, Traité des autorités théologiques
et politiques, chapitre 6 : les miracles n'existent pas
1) Afin de démontrer l’inexistence
des miracles, Spinoza part des caractéristiques du
miracle, ou des raisons que nous avons de parler d’un
miracle, et va les analyser
2) On ne peut par conséquent connaître l’essence,
l’existence ou la providence de Dieu, par les miracles,
mais par l’ordre fixe et immuable de la nature
C-
Leibniz, Discours de métaphysique, §7
Annexe
: Kant, La religion dans les limites de la simple raison
II-
Le miracle aujourd'hui
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Introduction
I-
Le miracle, une exception au cours ordinaire de la nature : le
17e
Nous
avons choisi d'analyser ici quelques textes des plus grands philosophes
de ce siècle : Hume, Spinoza, et Leibniz. On réfléchit
ici sur une des caractéristiques essentielles du miracle
: la rareté, l'inhabituel, voire le merveilleux. Réfléchir
sur le miracle, c'est ipso facto réfléchir à
la nature du réel, et à notre connaissance de celui-ci.
La nature est-elle uniforme et régulière ? Peut-on
la connaître ? Le miracle, une illusion, une interprétation
toute humaine de la réalité, ou bien une réalité
objective ?
On
notera que si le miracle est interrogé à l'aune
de la science et des critères de scientifiques naissants
de vérification, de preuve rationnelle, etc. (cf. aussi
la logique de Port Royal), le sens religieux de la notion n'en
est pas pour autant évacué.
A-
Hume, Enquête sur l’entendement humain, Section
X
Hume,
Enquête sur l’entendement humain,
Section X
Aucun
témoignage ne suffit pour établir un miracle,
sauf si le témoignage est de telle sorte que
sa fausseté serait encore plus miraculeuse que
le fait qu'il essaie d'établir et, même
dans ce cas, il se produit une destruction mutuelle
des arguments (...).
Lorsque
quelqu'un me dit qu'il a vu un homme revenir à
la vie, j'évalue immédiatement s'il est
plus probable que cette personne se trompe ou ait été
trompée, ou si le fait qu'elle rapporte pourrait
s'être réellement produit. Je pèse
un miracle par rapport à l'autre, et selon la
supériorité que je découvre, je
prononce ma décision, et rejette toujours le
miracle le plus grand. Si la fausseté de son
témoignage semble plus miraculeuse que l'événement
qu'elle rapporte, alors (...) peut-il prétendre
commander à ma croyance ou à mon opinion.
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1) Hume fait une distinction entre le miraculeux et
l’inhabituel (ou même le merveilleux)
Par exemple, c’est un miracle qu’un mort puisse revenir
à la vie, car le fait n’a jamais été
observé à aucune époque ni aucun pays. Par
contre c’est seulement inhabituel que quelqu’un en
bonne santé meure subitement, puisque nous constatons souvent
que cela arrive.
2) Hume montre que nous ne pouvons pas croire aux miracles
(en les considérant comme des prodiges communiqués
par le témoignage humain)
C’est en fait pour Hume l’occasion d’examiner
les circonstances dans lesquelles le témoignage humain
est doué d’autorité. Il veut prouver qu’aucun
témoignage humain ne peut avoir assez de force pour prouver
un miracle et établir là-dessus un système
de religion.
a) Le miracle étant par définition une violation
des lois de la nature, la preuve qui s’opposera à
un miracle sera toujours entière, car ces lois ont été
établies par une expérience ferme et inaltérable.
b) Pour qu’un fait mérite d’être appelé
miraculeux, il faut qu’il y ait contre lui une expérience
uniforme ; or, cette expérience uniforme est une “preuve”
; donc, de par la nature même du fait en question, on
a alors une preuve contre l’existence du miracle ; or,
pour croire au miracle, il faut une preuve contraire supérieure
; d’où : aucun témoignage ne suffit pour
établir un miracle, sauf s’il est de telle sorte
que sa fausseté serait encore plus miraculeuse que le
fait qu’il essaie d’établir -car on rejette
toujours le plus grand miracle...
Mais :
c) On ne peut trouver dans toute l’histoire un miracle
attesté par un nombre suffisant d’hommes de bon
sens, d’une éducation et d’un savoir hors
de conteste, etc. Et attestant des faits accomplis d’une
manière entièrement publique, etc.
d) Si nous sommes portés, contre les règles habituelles
du raisonnement, à croire au miracle, cela vient de la
passion de surprise et d’étonnement qui est mise
en activité par le récit du miracle. Or : quand
l’esprit de religion se joint, nous dit Hume, à
l’amour du merveilleux, alors, c’est la fin du sens
commun! Si bien que dans ces circonstances, le témoignage
humain perd toute prétention à l’autorité.
(Tout procède de la tendance naturelle des hommes au
merveilleux).
e) Le fait qu’on observe le foisonnement des récits
de ce genre surtout parmi les nations ignorantes et barbares
constitue une forte présomption contre les faits de ce
genre.
f) Il n’y a en faveur d’aucun des prodiges, aucun
témoignage qui ne soit contredit par une infinité
d’attestations. “Si bien que non seulement le miracle
détruit la crédibilité du témoignage,
mais encore, le témoignage se détruit lui-même”.
Conclusion : aucun homme raisonnable ne peut croire sans miracle
à la religion chrétienne.
3)
Résumé de l’argument de Hume dans la section
X de l’Enquête :
(1) un homme sage proportionne sa croyance à l’évidence,
car plus on a d’évidence pour quelque chose, plus
cette chose est susceptible d’être le cas ;
(2) de la même façon, l’évidence des
autres est “assessed according to their reliability as witnesses”.
(3) un miracle est une violation des lois de la nature
(4)
mais une loi de la nature est le résultat d’un très
grand nombre d’observations.
(5)
il est donc plus probable que le reportage d’un miracle
soit faux, qu’une loi de la nature soit actuellment rompue,
car l’évidence contre le miracle est toujours plus
grande que l’évidence en sa faveur.
(6)
il ne peut donc jamais y avoir d’évidence suffisante
pour qu’un homme sage l’acepte comme tel
B- Spinoza, Tractatus-Théologico-Politicus, chapitre VI.
Il contredit l’existence des miracles.
1) Afin de démontrer l’inexistence des
miracles, Spinoza part des caractéristiques du miracle,
ou des raisons que nous avons de parler d’un miracle,
et va les analyser.
a) Ces éléments du miracles sont :
-quand il arrive dans la nature quelque chose d’insolite;
-de contraire à l’opinion (habituelle);
-cet évènement est l’occasion d’un gain
et d’un avantage;
-enfin, on imagine alors que la puissance de Dieu et celle des
choses naturelles sont différentes, et que la seconde est
soit déterminée, soit créée, par la
première. La puissance de Dieu est assimilée à
un pouvoir d’une majesté royale, et la nature, à
une force déchaînée. Le vulgaire a donc besoin
de se représenter la puissance de la nature comme vaincue
et dirigée par Dieu.
b) Il n’arrive rien dans la nature qui contredise à
ses lois universelles, car tout ce qui arrive, arrive par
la volonté et le décret éternel de Dieu.
Ce qui signifie que :
-
rien n’arrive que suivant des lois et des règles
enveloppant une nécessité éetrnelle,
-
et que, surtout, la puissance naturelle est celle de Dieu même.
c) Ainsi, le nom de “miracle” ne peut s’entendre
que par rapport à l’opinion des hommes : c’est
le nom donné à notre ignorance ou à
notre illusion.
La signification du miracle est donc ramenée à un
ouvrage dont nous ne pouvons désigner la cause par l’exemple
d’une chose connue. C’est seulement quelque chose
d’inexplicable.
2) On ne peut par conséquent connaître
l’essence, l’existence ou la providence de Dieu,
par les miracles, mais par l’ordre fixe et immuable de
la nature.
a) Les miracles nous feraient plutôt douter de l’existence
de Dieu (pp.110-111).
b) Il est absurde de recourir à la volonté de
Dieu dès qu’on ignore quelque chose ; on devrait
faire tout le contraire. En effet, on voit bien à l’analyse
que les miracles ne nous font rien connaître du tout.
Si le miracle est, pour le vulgaire, ce qui est contraire à
l’ordre de la nature, pour Spinoza, c’est ce qui ne
peut être expliqué par des causes naturelles ; cela
signifie donc bien que :
-
la chose a des causes naturelles, mais que leur recherche est
impossible à l’entendement humain;
-
ou encore, qu’elle ne comporte aucune cause sinon Dieu ou
sa volonté.
- Mais
de toute façon, c’est par définition un ouvrage
qui dépasse la compréhension humaine.
c) Pour Spinoza, il n’y a pas de différence
entre un ouvrage contre-nature et un ouvrage surnaturel
(p.113). Tous deux sont contraires à la nature et
à ses lois.
Bref, la foi aux miracles nous ferait douter de tout, et nous
mènerait à l’athéisme...
Il
découle de l’Ecriture que les décrets et commandements
de Dieu ne sont que l’ordre de la nature -non pas que la
nature a pour un temps cessé d’agir, ou que son ordre
a été interrompu. Tout
ce qui est raconté dans l’Ecriture est arrivé
naturellement. Si bien que les récits qui relatent, dans
l’Ecriture, des faits “contre-nature” sont des
pures additions faites par des hommes sacrilèges (p.118).
Pour interpréter les miracles de l’Ecriture, et connaître
par les récits qu’elle en donne comment les choses
se sont réellement passées, il est nécessaire
de connaître les opinions des premiers narrateurs, etc.
En effet, il faut tâcher de ne pas confondre le miracle
avec l’opinion de ceux qui le racontent.
C- Leibniz, Discours de métaphysique, Par.7. : un miracle
est ce qui excède la possibilité de compréhension
d'un esprit fini
Il y a des miracles “pour nous” : c’est ce qui
ne saurait être connu par des êtres créés.
C’est donc ce qui excède la possibilité de
compréhension d’un esprit fini.
Dieu déroge à une règle particulière
qui pour nous est une loi universelle, par une loi encore plus
universelle. Les miracles s’opposent seulement aux maximes
subalternes que nous appelons la “nature des choses”
(lois de genèse et constitution), comme par exemple les
lois du choc. Ces règles sont dites subalternes en ce qu’elles
sont subordonnées à une loi plus universelle et
architectonique, qui est celle de l’ordre harmonique. Les
miracles contredisent la nature au nom d’une nécessité
plus architectonique : la nécessité morale. La nature
n’est finalement que la coutume de Dieu. Dieu ne fait donc
pas de miracles pour la plaisir, il ne se dispense pas de ses
lois arbitraires, si ce n’est quand l’ordre le demande.
D’ailleurs, les miracles rentrent a priori dans la détermination
du meilleur monde, puisque la volonté générale
absolue de Dieu est celle qui préside au choix du monde.
Ainsi, le miracle n’a rien à voir avec le rare, le
monstrueux ou l’inhabituel, mais c’est ce qui ne trouve
pas sa raison suffisante dans les lois de la nature, mais seulement
en Dieu
Annexe
: Kant, La religion dans les limites de la simple raison
Il définit le miracle comme un événement
qui arrive dans le monde en vertu de causes dont l’action
est régie par des lois que nous ignorons et devons ignorer.
Il y en a plusieurs sortes :
- divins
; la cause en est l’Etre tout puissant et moral ; nous pouvons
nous faire une idée des lois régissant l’action
de leurs causes ; quant à une exception autorisée
par Dieu, la raison se trouve parfois paralysée car elle
n’est renseignée par aucune loi nouvelle
- démoniaques
; ce sont les miracles qui s’accordent le moins avec notre
raison
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