I- Il y a deux sortes de mémoire 
                
               
              
                 
                  | Mémoire 
                      souvenir | Mémoire 
                      habitude | 
                 
                  | - 
                      elle regarde vers le passé, et conserve les images 
                      anciennes (“images-souvenirs”, datées 
                      et singulières ; “mémoire qui revoit”). 
                       - 
                      elle a pour fonction la reconnaissance intellectuelle d’une 
                      perception déjà éprouvée.  - 
                      mémoire qui enregistre le passé par le seul 
                      effet d’une nécessité naturelle; mémoire 
                      spontanée ; elle date les événements 
                      et ne les enregistre qu’une fois. | - 
                      elle est tendue vers l’action ; elle ne regarde que 
                      vers l’avenir.  - 
                      C’est donc une reconnaissance vécue, non pensée. - 
                      Elle répète, joue le passé ; par là, 
                      elle en prolonge l’effet utile jusqu’au présent. 
                      C’est 
                      une habitude éclairée par la mémoire 
                      (p.89).  En 
                      tant qu’active ou motrice, elle inhibe la première 
                      mémoire. Conquise par l’effort, elle reste 
                      sous la dépendance de notre volonté. Sa base 
                      est le mécanisme cérébral. Si bien 
                      que, comme 1) n’est pas 2), il est faux d’en 
                      déduire que le cerveau soit un organe de représentation. | 
              
               
              
                - Pour 
                  bien comprendre cette distinction, reprenons la célèbre 
                  analyse bergsonienne de l'apprentissage d'une 
                  leçon. 
Si 
                je récite un poème écrit par cœur, j’ai 
                acquis une habitude. Dans l’habitude, le passé est 
                ressuscité, mais il est utilisé, joué, et 
                non pensé comme passé. 
              La 
                mémoire vraie est toute différente. Je récite 
                un poème par cœur, c’est une habitude. Mais 
                supposons que je me revoie lisant ce poème pour la première 
                fois, au fond d’un parc. Cette image que j’évoque 
                est un vrai souvenir. Elle n’est pas fixée en moi 
                par l’exercice. 
              Tandis 
                que les habitudes sont un mécanisme, les souvenirs purs 
                sont des images singulières.
               
              
               
              
                - Les 
                  conséquences concernant la nature de la matière 
                  et de l'esprit
La 
                mémoire pure ne relève pas de la matière, 
                elle est indépendante de la mécanique nerveuse. 
                Le souvenir, d'essence purement spirituelle, ne se conserve pas 
                dans le cerveau. La mémoire, par opposition à la 
                matière, est l'esprit lui-même en tant qu'il vit 
                et qu'il dure. Puisque l’esprit est durée, rien de 
                ce que l’esprit a fait ou éprouvé n’est 
                perdu. 
              Conséquence 
                : ce qui fait problème, ce n’est pas la conservation 
                du souvenir, c’est l’oubli. 
              Réponse 
                : la conscience n’éclaire que les souvenirs qui me 
                sont immédiatement utiles pour agir. Pour agir dans le 
                présent, il ne servirait à rien d’avoir conscience 
                de la totalité de son passé ! C’est ici que 
                B. place le rôle de l’organisme et particulièrement 
                du cerveau. Le cerveau ne sert pas à conserver les souvenirs, 
                mais à les actualiser, à filtrer ceux qui sont utiles 
                pour l’action présente. Il est l’instrument 
                de l’évocation consciente des souvenirs. Dans le 
                rêve nocturne, les souvenirs ne sont plus sélectionnés 
                puisque les exigences de l’action s’effacent. « 
                Rêver, c’est se désinteresser ». L’attention 
                à la vie s’est relâchée, les images 
                du passé reviennent alors en foule et en désordre. 
                
               
              II- 
                Chapitre III : entre le passé et le présent, il 
                y a plus qu’une simple différence de degré
               
              Cf. 
                Sujet de dissertation : "Le 
                passé peut-il revivre ?", partie III
              
                 
                  | le 
                      présent |  
                      le passé | 
                 
                  | il 
                    est sensori-moteur : c’est la conscience que j’ai 
                    de mon corps. C’est la “matérialité 
                    même de mon existence”.Ie : rien d’autre 
                    qu’un ensemble de sensations et de mouvements. (Les 
                    sensations sont extensives et localisées ; source de 
                    mouvements. | souvenir pur : impuissant et inextensif (car sans attache 
                    avec le présent). | 
              
               
              
                - Le 
                  souvenir se transforme à mesure qu’il s’actualise 
                  (p.151)
a) 
                souvenir pur
                b) souvenir-image
                c) souvenir perception
              a) 
                est révélé par b) et s’y manifeste 
                ; b) participe de a) qu’il commence à matérialiser 
                et de c) où il tend à s’insérer ; enfin 
                c) est imprégné de b) - qui la complète en 
                l‘intérprétant.
              
              
              III- 
                Cette conception de la mémoire permet à Bergson 
                de renouveller la conception de la perception en vigueur à 
                son époque, ainsi que la thèse scientifique/ matérialiste 
                concernant le stockage des souvenirs
               
               
                A- 
                  Bergson peut critiquer les physiologistes, qui veulent faire 
                  sortir toute la reconnaissance d’un rapprochement entre 
                  perception et souvenir (p.98)
              
              La 
                conservation, dit-il, même consciente, d’un souvenir 
                visuel, ne suffit pas à la reconnaissance d’une perception 
                semblable. 
              A 
                la base de la reconnaissance, il y a (p.101) un phénomène 
                d’ordre moteur : reconnaître un objet usuel, consiste 
                surtout à savoir s’en servir ; mais (p.103) il s’y 
                joint souvent autre chose. 
              Il 
                y a donc en fait deux sortes de reconnaissance :
               
                1) 
                  automatique (par mouvements, et par distraction)
                
                  2) celle qui exige l’intervention régulière 
                  des souvenirs-images (attentive : les souvenirs rejoignent ici 
                  la perception consciente -cf.p.107)
                 
                   
                    
                
                
                   
                    |  
                        Exemple 
                          : l’audition du langage articulé : qu’est-ce 
                          qu’entendre la parole? | 
                   
                    | a) 
                      en reconnaître le son | b) 
                      en retrouver le sens | c) 
                        en pousser plus ou moins loin l’interprétation | 
                
              
              Cela 
                signifie que nous n’allons pas de la perception à 
                l’idée mais de l’idée à la perception 
                (p.145)
               
                 
                B- 
                  Pour Bergson, les troubles de la mémoire ne sont pas 
                  dus à une destruction de souvenirs, mais soit à 
                  une lésion des mouvemenst actuels, soit au fait que des 
                  mouvements à venir cesseront d’être préparés 
                  (p.118)
              
               
              Le 
                souvenir ne peut pas être conservé par le cerveau 
                car l’expérience montre que la destruction d’un 
                territoire cérébral supprime, non les souvenirs 
                correspondants, mais seulement la possibilité de leur évocation 
                dans certaines conditions. 
              suite 
                ...