(Ce n'est pas un sujet que je veux me faire expliquer) la philosophie dans son entier ne repose-t-elle pas, sous ses apparences de neutralité, sur le préjugé du savoir ? Sabri (TL)

Si vous daignez répondre, pas d'habileté de prof de philo, pas de raisonnement qui tourne à vide, pas de jolis mots qui impressionnent. Merci.

Eh bien, tu m'as l'air sacrément énervée par les cours de philo ! Rassure-toi, tu n'as pas tout à fait tort dans ce que tu dis. Je veux dire, quand tu dis que "la philo n'a rien de libre", car "elle se fonde dans son entier sur le préjugé du savoir". Oui, la philosophie cherche à savoir, et à savoir quoi ? La vérité, le fonds des choses... dépasser nos opinions communes, qui ne sont pas toujours fondées. Tu le sais peut-être, la philosophie, normalement, se distingue de la science en ce qu'elle n'est que "recherche", "amour", de la vérité, ou de la "sagesse". Ca, on le trouve chez Socrate, qui jamais ne veut tenir quelque chose pour vrai/ admis définitivement. Philosopher, c'est réfléchir sur ce qu'on croit spontanément, etc. C'est ce que tout élève de terminale voudrait trouver dans un cours de philo ... et que vous ne trouvez pas, ou en tout cas bien rarement ... Tous les ans, nous constatons votre dépit en début d'année, qui s'estompe souvent au deuxième trimestre. Ta réaction est donc "normale". En fait, ce qu'il faut bien vous expliquer en début d'année, c'est ce que n'est pas la philo, ie, ce que vous ne trouverez pas dans un cours de philo.

Petit rappel : la philo, dans l'antiquité, correspond à ce que les élèves voudraient trouver en cours : pure réflexion, et manière de vivre. Pas de "contenu", pas de savoir tout fait. Puis, la religion est venue remplacer la philo dans sa fonction d'art de vivre. Alors, la philosophie est devenue "métaphysique", elle se veut une science, elle ne veut plus seulement "chercher" la vérité, mais la trouver (mais c'est vrai que chercher sans jamais trouver, c'est un peu lassant, non ???). cela se passe au 17e. Auteurs : Descartes (tiens, le voilà celui-là), Leibniz, Spinoza... ce qui énerve, oui, c'est leur assurance. Moi, Descartes, j'ai trouvé la vérité... (en plus, tu as dû le voir, en passant par Dieu !).

Alors, bon, l'enseignement de la philo en France essaie de mélanger les deux "styles" de philo. Pour le meilleur, parfois, et parfois aussi, pour le pire, car vous, les élèves, vous avez l'impression que tout ce qu'on vous demande, c'est d'apprendre par coeur des doctrines philosophiques. Mais normalement, on essaie, à travers ce qu'ont pensé certains grands auteurs au sujet de thèmes qui "tiennent à coeur" à l'homme, de vous enseigner une certaine manière de réfléchir, de penser, d'argumenter. Vous n'êtes pas obligés d'y adhérer, mais on ne peut y couper. Je pense que la philosophie serait différente si elle n'était pas liée à un enseignement, et surtout, au bac. Elle l'est, d'ailleurs, dans les pays anglo-saxons...

Par contre, ta dernière "thèse" me gêne : "pourquoi la vérité ? pourquoi le savoir ?" : mais alors, tu critiques la science, non ? Pourquoi savoir ? Mais allons nous rester pantelants, tels des mollusques, à végéter ?

NB : tout ce que tu dis est très nietzschéen ! Il critiquait la philosophie en tenant le même propos que toi, et, plus généralement, la volonté même de savoir/ de vérité !