Jean
Piaget a été le premier à considérer
le bébé comme un sujet de recherche et à
lui attribuer une intelligence. On lui doit d'avoir élaboré
ce qui restera longtemps la théorie du développement
de l'intelligence.
Pour J. Piaget, l'intelligence évolue par bonds,
d'un stade à l'autre, du concret vers l'abstrait.
Au
début, l'intelligence du bébé est pratique,
J. Piaget l'appelle sensori-motrice car elle
est liée au toucher, à la vision et à l'action.
Au
terme de son développement et après plusieurs
phases intermédiaires, l'enfant, alors âgé
de 14-15 ans, atteint le stade « formel
», celui des opérations abstraites, logiques, mathématiques.
Ce
modèle de développement est souvent comparé
à la montée des marches d'un escalier. D'un stade
à l'autre, la pensée de l'enfant change, ses raisonnements
sont à la fois meilleurs et d'un autre type.
• de 0 à 1 mois : c'est l'exercice
des réflexes. Le nouveau-né tète
le sein grâce au réflexe de succion. Entre deux
tétées, il suce ses doigts, les draps, la couverture,
etc. Très vite, lorsque l'enfant a faim, il rejette tous
les objets à sucer qui ne sont pas le sein ou la tétine
du biberon. Piaget conclut que le mamelon a une signification
pour l'enfant : contact mamelon + sensation de lait qui coule
= apaisement de la faim.
• de 1 à 4 mois : c'est le stade
des premières habitudes (réactions
circulaires primaires) : fixation du regard et poursuite oculaire,
schèmes relatifs à la phonation, l'audition, les
prémices de la préhension, schèmes des
mains, ébauche de coordination entre la succion et la
préhension, coordination vision-préhension. Le
nourrisson tente de saisir ce qu'il voit mais si l'objet convoité
disparaît, il ne le cherche pas.
• de 4 à 8 mois : c'est le stade
de l'adaptation sensori-motrice intentionnelle avec les réactions
circulaires secondaires qui permettent l'apparition de l'intentionnalité
au niveau des comportements de l'enfant. Le bébé
cherche l'objet caché d'abord sans insister puis systématiquement.
Le jeu de cache-cache l'intéresse.
• de 8 à 12 mois : c'est le stade
de la coordination des schèmes secondaires et leur application
aux situations nouvelles. L'enfant commence à agir sur
le milieu.
• de 12 à 18 mois : c'est la découverte
des moyens nouveaux par expérimentation active. L'apparition
des réactions circulaires tertiaires rend imprévisible
la conduite de l'enfant pour l'observateur. L'enfant agit et
manipule les situations. Pour attraper un objet, l'enfant est
capable d'attirer vers lui un autre objet le supportant.
• de 18 à 24 mois : l'enfant invente
de nouveaux systèmes par combinaison mentale. A 2 ans,
l'enfant fait preuve d'une intelligence pratique très
développée. C'est à cet âge que l'enfant
acquiert la permanence de l'objet.
II-
Aujourd'hui, la question de savoir comment se développe
l'intelligence suscite plutôt l'embarras. Le cadre du développement
cognitif proposé par J. Piaget ne fait plus l'unanimité
La
plupart des théories actuelles penchent en faveur d'une
progression de l'intelligence graduelle, et de ce fait quasi
continue : elle n'évolue plus par bonds et vers l'avant,
mais par petits pas rapprochés, marqués d'arrêts,
de retours en arrière et de faux pas.
Ce courant de recherche est largement dominé par l'étude
des compétences précoces du bébé,
à l'origine de découvertes et de révisions
importantes de la théorie piagétienne.
En
1970, le psychologue Robert L. Fantz met au
point une méthode expérimentale
qui révolutionne les connaissances sur le monde mental
du bébé.
Il fait le constat suivant : lorsqu'un bébé observe
un phénomène nouveau, par exemple une girafe en
plastique qu'il n'a jamais vue avant, il fixe intensément
l'objet pendant plusieurs secondes. Au bout d'un laps de temps,
l'enfant s'habitue à la présence de l'objet et
détourne son regard. Si ensuite on présente un
petit lapin en bois à côté de la girafe
qu'il connaît déjà, le bébé
porte son attention sur le lapin. Le chercheur en déduit
que le temps de fixation du regard est un bon indicateur
de l'intérêt que le bébé porte à
la nouveauté.
La méthode se perfectionne et se généralise.
On
découvre que le bébé réagit non
seulement à la nouveauté mais aussi à l'étrangeté
des situations, comme le montre cette autre expérience
avec des boules de billard : une boule rouge roule sur un tapis
de billard et vient percuter une boule blanche, qui roule à
son tour. Pour le bébé, c'est une découverte
: quand une boule est percutée par une autre, elle se
met à bouger. Le bébé fixe la scène
puis il se lasse. Si on change le scénario, la boule
rouge étant en mouvement mais la boule blanche bougeant
avant d'avoir été touchée, alors le bébé
manifeste son étonnement. Il semble avoir compris
que quelque chose d'étrange s'est produit. Tout se passe
comme si le bébé comprenait qu'une loi physique
a été violée. Une boule ne peut
pas se déplacer sans avoir été percutée.
En 1985, ce protocole expérimental permet à Renée
Baillargeon, Elisabeth Spelke et Stanley Vassermann de
réaliser une expérience,
aujourd'hui célèbre, sur la « permanence
de l'objet ». On dit qu'un enfant possède
la permanence de l'objet s'il a compris que son jouet existe
encore, même si on vient de le faire disparaître
sous ses yeux derrière un mouchoir.
J.
Piaget pensait que l'enfant atteint cette compétence
à 2 ans. Car quand on cache l'objet à un enfant
plus jeune, il ne fait aucun geste pour soulever le mouchoir
et reprendre l'objet. Cette interprétation est contestée
: il est possible que l'enfant sache que son jouet est bien
là, mais ne cherche pas à le prendre.
L'expérience
de R. Baillargeon, E. Spelke et S. Wassermann montre que, dès
3 à 5 mois, des nourrissons possèdent parfaitement
la permanence de l'objet.
La
découverte de capacités précoces chez l'enfant
réveille une épineuse question, celle de savoir
si ces compétences sont innées
III-
Comment savoir ce qui se passe dans la tête d'un bébé
?