Le Bonheur Le bonheur consiste-t-il à faire tout ce qui nous fait plaisir ?

Plan


Cours

Introduction

1) La définition du bonheur

Pour définir le bonheur, nous pouvons partir de la définition qu’en donne Aristote dans Ethique à Nicomaque, I, 5 (cf. cours Etat) : le bonheur est le Souverain Bien, ce en vue de quoi nous faisons tout ce que nous faisons. Il est le but ultime de toutes nos actions, qui ne sert de moyen pour aucune fin ou bien ultérieur(e). Il est donc encore une fin parfaite, qui n'est jamais moyen pour autre chose. On ne veut pas être heureux pour autre chose que le bonheur lui-même.

NB : l'expression de "Souverain Bien" est une expression utilisée par les philosophes de l'antiquité. Elle appartient au domaine de la morale. La morale antique s'interrogeait sur les fins que l'homme doit se proposer, sur la vie bonne, idéale (elle s’occupe du problème d'une vie digne d'être vécue). La doctrine selon laquelle le bonheur est le bien suprême de l'homme se nomme l' "eudémonisme" (de "eudaimon"), bonheur. On nomme hédonisme la doctrine pour laquelle ce qui est premier est le plaisir.

2) Le problème : ici, on cherche à donner un contenu à ce souverain bien : est-ce le plaisir? Plus précisément, est-ce n'importe quel plaisir?

C’est-à-dire : ce en vue de quoi nous agissons, est-ce le plaisir? L'homme tend-il par-dessus tout au plaisir? Et réalise-t-il sa nature humaine dans la satisfaction de tous les plaisirs? Pour répondre à cette question, il convient de déterminer les caractéristiques de chacun des deux termes en présence (le bonheur, le plaisir) ; nous pourrons ainsi savoir ce qui les différencie mais aussi ce qui leur est commun.

 

Nature

Rapport au temps

Bonheur

Etat de complétude, de plénitude, de satisfaction totale : rien ne nous manque. Absolu (s’oppose à état relatif). "tout parfait"

Etat, disposition stable; par suite, caractérise mon être : j’ai du plaisir mais je suis heureux

Suis-je heureux si au temps t1 j'ai du plaisir et au temps t2 de la douleur? Non. Bonheur =état de plénitude = durée.

 

Plaisir

Expérience agréable liée à des sensations, donc à un éprouvé corporel ou psychique = émotion, affect (manger une glace, regarder un film; boire; fumer; jouer etc.)

-accompagne un acte

-s'oppose à la douleur

-vient de l'extérieur

-de l'ordre de l'avoir

Satisfaction qui a lieu dans l'instant (= éphémère) et qui est partielle car peut coexister avec la douleur (peut la suivre, la précéder)

 

Pour que le bonheur consiste dans le plaisir, il faut donc que le plaisir puisse durer, ou qu'il existe un type de plaisir durable ; et que tous les plaisirs ne s'opposent pas au bonheur, état stable et permanent.

C'est ce plaisir qu'il va nous falloir chercher. Si nous ne le trouvons pas, alors, nous répondrons non à la question qui nous est posée.

Pour répondre à ce problème, nous allons nous attacher à un texte essentiel pour le traitement de cette question : il s’agit du Gorgias de Platon. Plus précisément, du passage 491 sq., qui pose la question de savoir à quoi mène une vie toute entière dévouée à se procurer et à satisfaire tous les plaisirs 

Cela mène-t-il au bonheur ? Est-ce un idéal de vie possible voire même l’idéal de vie en soi ?

I- Contexte : Gorgias 466 c : faire ce qui nous plaît et faire le bien

466 c : Socrate : Dis-moi, à ton avis, les hommes souhaitent-ils faire chaque action qu'ils font? Ou bien, ce qu'ils veulent, n'est-ce pas plutôt le but qu'ils poursuivent en faisant telle ou telle chose? Par exemple, quand on avale la potion prescrite par un médecin, à ton avis, désire-t-on juste ce qu'on fait, à savoir boire cette potion et en être tout indisposé? Ne veut-on pas plutôt recouvrir la santé? N'est-ce pas pour cela qu'on boit la potion?

Polos : Oui, ce qu'on veut, c'est la santé, évidemment.

468 c-d : Socrate : Personne ne veut donc massacrer, bannir, confisquer des richesses, pour le simple plaisir d'agir ainsi; au contraire, si de tels actes sont bénéfiques, nous voulons les accomplir, s'ils sont nuisibles, nous ne le voulons pas. Car nous voulons, comme tu dis, les bonnes choses, mais, nous ne voulons pas ce qui est neutre, et encore moins ce qui est mauvais, n'est-ce pas?

(…) Donc, nous sommes bien d'accord là-dessus : si on fait mourir un homme, si on l'exile de la cité, si on s'empare de ses richesses -quand on agit ainsi, qu'on soit un homme ou un tyran, c'est dans l'idée que de pareilles actions sont avantageuses pour celui qui les commet, mais si, en fait, elles sont nuisibles, leur auteur, malgré tout, aura fait ce qui lui plaît. N'est-ce pas?

Polos : Oui.

Socrate : Tout de même, fait-il vraiment ce qu'il veut, s'il s'avère que les actes qu'il a accomplis lui-même sont mauvais pour lui? Tu ne réponds pas.

Polos : Eh bien, non, il ne me paraît pas qu'il fasse ce qu'il veut.

Socrate : Alors, comment un tel homme peut-il être tout-puissant dans sa propre cité?

 

 

L'interlocuteur de Socrate est en train de dire que l'orateur et le tyran sont tout puissants et heureux parce qu'ils peuvent tout ce qu'ils veulent, ils ont tous les pouvoirs. Cf. mentir, tuer, etc.

Réponse de Socrate : faire tout ce qui nous plaît, et ce qui nous procure du plaisir, ne revient pas toujours à faire ce qui est bien, même si cela nous paraît bien (cf. exemple : "pouvoir faire tout ce qu'on a envie de faire sans avoir toute sa tête, tu es d'accord pour dire que c'est un mal?"). Faire ce qui nous plaît, c'est certes faire ce qui nous paraît le meilleur, mais pas nécessairement ce qui est bien.

Ce que présuppose l’intervention de Socrate, c’est la thèse selon laquelle c'est toujours par ignorance qu'on agit mal ; on nomme cette thèse l’intellectualisme moral (car elle stipule que si l’on connaissait le mal, on ne le ferait jamais ; elle assimile donc, on le voit, la mauvaise action à un manque de connaissance, et à un défaut de reconnaissance, quand il s’agit de prendre à tort un mal pour un bien). Mais pourquoi une telle thèse ? Socrate s’appuie sur le fait que nul ne peut vouloir le mal, encore moins son propre mal; ce qui explique donc que certains peuvent faire des actes nuisibles, soit aux autres, soit à eux-mêmes, ce ne peut être que le fait qu'ils ne connaissent pas le bien. Si en effet ils savaient que ce qu'il font est nuisible, ils ne le feraient pas puisque leur volonté ne peut sans contradiction se donner le mal pour objet. Nul n'est méchant volontairement : le méchant est à plaindre. (Bref : pas de méchant heureux!)

D'où toute une théorie de la punition : celui qui a fait quelque chose de mal doit être puni, pour son bien. Le criminel ayant souillé son âme, laisser le crime impuni, c'est la pire des choses qui puisse arriver à quelqu'un. La punition est là pour lui faire connaître ce qu'il ne connaissait pas, pour l'améliorer.

II- Gorgias 491 d : l'arrivée de Calliclès

C'est donc dans ce contexte (celui de la distinction socratique entre " faire le bien " et " faire ce qui me plaît ") qu'arrive Calliclès. Au début du texte suivant, Socrate discute ou plutôt se dispute avec lui pour savoir comment il faut vivre, ie, quelle vie mérite d'être choisie pour elle-même.

 

491 d sq. : Calliclès : Mais que veux-tu dire avec ton "se commander soi-même"?

Socrate : Oh, rien de compliqué, tu sais, la même chose que tout le monde : cela veut dire être raisonnable, se dominer, commander aux plaisirs et aux passions qui résident en soi-même.

Calliclès : Ah! Tu es vraiment charmant! Ceux que tu appelles hommes raisonnables, ce sont des abrutis!

Socrate : Qu'est-ce qui te prends? N'importe qui saurait que je ne parle pas des abrutis!

Calliclès : Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument! Car comment un homme pourrait-il être heureux s'il est esclave de quelqu'un d'autre? Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste de nature? hé bien, je vais te le dire franchement! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement -j'en ai déjà parlé- est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. (…) (les hommes qui exercent le pouvoir ) sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne y fasse obstacle, et ils se mettraient eux-mêmes un maître sur le dos, en supportant les lois, les formules et les blâmes de la masse des hommes! Comment pourraient-ils éviter, grâce à ce beau dont tu dis qu'il est fait de justice et de tempérance, d'être réduits au malheur, s'ils ne peuvent pas, lors d'un partage, donner à leurs amis une plus grosse part qu'à leurs ennemis, et cela, dans leurs propres cités, où eux-mêmes exercent le pouvoir! Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font la vertu et le bonheur! Tout le reste, ce ne sont que des conventions, faites par les hommes, à l'encontre de la nature. Rien que des paroles en l'air, qui ne valent rien!

Socrate : (…) Alors, explique-moi : tu dis que, si l'on veut vivre tel qu'on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient-elles, mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que la vertu consiste?

Calliclès : Oui, je l'affirme, c'est cela la vertu!

Socrate : Il est donc inexact de dire que ceux qui n'ont besoin de rien sont heureux.

Calliclès : Oui, parce que, si c'était le cas, les pierres et même les cadavres seraient tout à fait heureux!

Socrate : Mais, tout de même, la vie dont tu parles, c'est une vie terrible! (…) En effet, chez les hommes qui ne réfléchissent pas, (Euripide) dit que ce lieu de l'âme, siège des passions, est comme une passoire percée, parce qu'il ne peut rien contrôler ni rien retenir -il exprime ainsi l'impossibilité que ce lieu soit jamais rempli.

Tu vois, c'est tout le contraire de ce que tu dis, Calliclès. D'ailleurs, un sage fait remarquer que, de tous les êtres qui habitent l'Hadès, le monde des morts, les plus malheureux seraient ceux qui, n'ayant pu être initiés, devraient à l'aide d'une écumoire apporter de l'eau dans une passoire percée. Avec cette écumoire (…), c'est l'âme que ce sage voulait désigner. Oui, il comparait l'âme de ces hommes à une écumoire, l'âme des êtres irréfléchis est donc comme une passoire, incapable de rien retenir (…).

(…) Je veux te convaincre, autant que j'en sois capable, de changer d'avis et de choisir, au lieu d'une vie déréglée, que rien ne comble, une vie d'ordre, qui se contente de ce qu'elle a et qui s'en satisfait. Eh bien, est-ce que je te convaincs de changer d'avis et d'aller jusqu'à dire que les hommes, dont la vie ordonnée, sont plus heureux que ceux dont la vie est déréglée?

Calliclès : (…) je ne changerai pas d'avis!

Socrate : Bien. Allons donc, je vais te proposer une autre image, qui vient de la même école. En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d'ordre et une vie déréglée, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux possibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'y a plus à reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme se récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jouir et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines. Alors regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle dis-tu qu'elle est la plus heureuse? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou de l'homme tempérant? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée?

Calliclès : Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le même type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre. S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisir est celle où on verse et reverse autant qu'on peut dans son tonneau!

Socrate : Alors, si on verse beaucoup, il faut aussi qu'il y en ait beaucoup qui s'en aille, on doit donc avoir de bons gros trous, pour que tout puisse s'échapper!

Calliclès : Oui, parfaitement.

Socrate : Tu parles de la vie d'un pluvier, qui mange et fiente en même temps! -non, ce n'est pas la vie d'un cadavre, même pas celle d'une pierre!

Calliclès : surtout, ce dont je parle, c'est de vivre dans la jouissance, d'éprouver toutes les formes de désirs et de les assouvir –voilà, c'est cela la vie heureuse!

Socrate : (…) réponds- moi : suppose que quelque chose démange, qu'on ait envie de se gratter, qu'on puisse se gratter autant qu'on veut et qu'on passe tout son temps à se gratter, est-ce là le bonheur de la vie?

Calliclès : Eh bien, Socrate, je déclare que même la vie où on se gratte comme cela est une vie agréable!

Socrate : Et si c'est une vie agréable, c'est donc aussi une vie heureuse.

Calliclès : Oui, absolument.

Socrate : Si on se gratte la tête, seulement, ou faut-il que je te demande tout ce qu'on peut se gratter d'autre? (…)

(…) Mais maintenant, dis-moi encore juste ceci : prétends-tu que l'agréable soit identique au bon ou bien y a-t-il de l'agréable qui ne soit pas bon? (…) réfléchis à une chose : le bien ne consiste pas dans la jouissance à n'importe quel prix car, sinon, si c'est le cas, il semble bien que le tas de saletés auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure de façon détournée, va nous tomber sur la tête!

503 e : Socrate : (…) l'homme de bien (…) ne parle-t-il pas les yeux fixés sur son objectif? (…) (tout comme n'importe quel artisan) chaque élément de son ouvrage est disposé en fonction d'un certain ordre et il force tous les éléments avec lesquels il travaille à s'adapter les uns aux autres et à s'harmoniser entre eux, jusqu'à que leur totalité constitue une réalité bien ordonnée et bien disposée.

Commentaire du texte

A- Le bonheur consiste à s’adonner à tous les plaisirs (Calliclès)

B- Le bonheur consiste dans la tempérance (Socrate)

(vertu caractéristique du sage, consistant à avoir une attitude correcte, mesurée, modérée, face aux désirs, plaisirs, passions)

   

2. (7 à 27) Réponse : celui qui règle sa conduite selon la raison, qui ne fait donc pas ce qu'il veut, qui se refuse certains désirs ou plaisirs, est un lâche. Il n'est pas libre, mais esclave (a besoin d'un maître). N'a pas le courage d'assumer ses passions.

La vie la meilleure est la vie, non pas conforme à la raison, aux lois, aux conventions, mais à la nature.

Cf. "juste naturel" = nature réfère ici, non à la morale mais à la puissance, la force qui caractérise les êtres naturels

Lois = synonyme seulement de contrainte, de soumission; on ne peut être libre en obéissant à des lois

Impératif moral : fais tout ce qui te fais plaisir. Alors tu seras libre et heureux.

4. Réponse : Cet état que Socrate appelle le bonheur, c'est le malheur car c'est une vie de pierre ou de cadavre; aucune satisfaction dans le repos (l.33)

Cf. aussi 62-65 : homme tempérant, qui ne se laisse pas aller à tous ses plaisirs, n'a plus aucun plaisir, et donc, ne ressent plus rien. C'est une vie de pierre ou de cadavre que nous loue Socrate! -Qui souhaiterait une vie dans laquelle on n'ait aucune expérience agréable?

1. (1 à 6) Thèse : la vie bonne, qui mérite vraiment d'être choisie, est une vie dans laquelle on se "commande à soi-même". Ie : tout comme dans la cité on doit obéir aux lois, dans la conduite de la vie, on doit obéir à la raison. Il ne faut pas se laisser aller à tous ses désirs et passions, mais les réprimer. C'est pour cela que les lois, morales ou politiques, existent.

 

 

 

 

 

 

 

3. (28-88) Critique : la thèse de Calliclès est auto-contradictoire, car elle contredit la définition même du bonheur (repos, tranquillité, ne manquer de rien) (28-32).

En effet, cf. deux métaphores ( passoire-35-46- et tonneaux percés, 48-61) : l'homme de plaisir est insatiable et jamais satisfait, il ressemble à un tonneau percé : comment donc pourrait-il être heureux s'il n'est jamais satisfait?

la vie que nous propose Calliclès est une vie dans laquelle on est condamné à manquer de tout sans arrêt : Calliclès ne sera jamais heureux (ni à la limite personne); en effet

-le désir est manque;

-le manque est souffrance car je manque toujours de ce que je désire;

-or je ne désire jamais ce que j'ai puisque le désir est manque;

D'où le "cercle du manque" : tantôt je désire ce que je n'ai pas, et j'en souffre; tantôt j'ai ce que dès lors je ne désire plus; On désire ce qu'on n'a pas, donc on ne désire plus ce qu'on a -qu'on désirera à nouveau si on le perd.

=Vie d'insatisfaction, car le désir engendre le désir; vie où on s'échappe à soi-même, où on souffre (cf. 66-67 : tout s'en va tout le temps)

La vie où on se gratte tout le temps (73-81) = renvoie au fait que c'est une vie d'agitation incessante. Pas de tranquillité

III- 80-84 : retour au contexte : Socrate fait une dernière objection à Calliclès, qui repose sur la distinction agréable et bon

Tous les plaisirs ne sont pas susceptibles de nous rendre heureux et de mener au bien, bien au contraire! Car certains sont bons mais d'autres nuisibles à la santé, autant du corps que de l'âme (corps malade et âme injuste). (trop manger, être méchant, etc.).

Donc, quand on recherche un plaisir, il faut avant tout réfléchir à la nature de ce plaisir (tempérance). On peut certes rechercher certains plaisirs (tout plaisir n'est donc pas condamnable en soi!), mais pas le faire n'importe comment, de façon désordonnée et non réfléchie.

Il ne peut donc y avoir de bonheur dans l’immédiateté irréfléchie du plaisir ; on ne peut pas non plus le rencontrer par hasard. Ainsi, l’étymologie du mot de bonheur (" bonum augurium ") n’est-elle pas trompeuse quant à la nature du bonheur ? En effet, cette expression, " bon augure ", est du côté de la chance, du hasard ; elle renvoie à des expressions du genre : " au petit bonheur la chance " ; le bonheur est, selon l’étymologie, un don de la fortune, qui peut échoir autant au méchant qu’au bon. Or, le bonheur est du côté de l’effort ; nous en sommes responsables ; et il est faux que notre volonté n’y soit pour rien ! Laisser sa vie se dérouler au petit bonheur la chance, la livrer au hasard, ne peut pas nous mener au bonheur. Je ne peux être heureux dans le fragmentaire. Je suis heureux quand les satisfactions forment un tout cohérent.

Le bonheur suppose donc la connaissance (cf.85-88) En effet, il est harmonie de nous avec nous-mêmes et avec le monde; or, produire cette harmonie est tout un art, et seul celui qui connaît la nature réelle du cosmos, harmonie que l'on a traduire au niveau de nos vies, est en mesure de le faire. (Signification : le philosophe seul est heureux)

 

Conclusion : Le plaisir comme condition nécessaire mais non suffisante du bonheur

Socrate ne dit pas que le bonheur consiste à n'avoir aucun plaisir, et à s'interdire tout plaisir! Il semble en effet que si le plaisir sans le bonheur existe effectivement, le bonheur sans plaisir n'est pas possible : une vie sans plaisir vaudrait-elle la peine d’être vécue ?

Seulement, le plaisir n'est pas identique au bonheur, encore moins n'importe quel plaisir. Le plaisir n'est pas le souverain bien, le bonheur. Il n'est pas ce que nous voulons véritablement, mais, nous le voulons comme accompagnement.


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