La Conscience La conscience : le mythe d'une vie intérieure propre à chacun

Plan

INTRODUCTION

I- DESCARTES : LA CONSCIENCE COMME ENTITE ET COMME TRANSPARENCE A SOI

A- La découverte du cogito (commentaire de la 4ème partie du Discours de la méthode de Descartes)

B- Descartes érige donc la conscience, comme fondement de toute certitude. Elle est ce qu’il y a de plus certain au monde

C- Ce qui est encore plus important, c’est que Descartes fait de la conscience un objet, un "moi" spécial, auquel on peut avoir accès

II- LE MOI EN QUESTION : CHOSE OU FONCTION?

A- Hume : la conscience comme entité est une pure illusion (critique de l'introspection, et problème de l'identité personnelle)

B- Kant, La conscience n'est plus une intériorité pure et n'a donc rien de privilégié

CONCLUSION


Cours

INTRODUCTION

La notion de conscience a toujours interessé la philosophie, car elle est plus ou moins présente dans sa définition même : ainsi, pour Socrate, la philosophie est une entreprise qui nous enjoint à prendre conscience de nos préjugés, et par là, à pouvoir mieux nous connaître, nous et le monde qui nous entoure. Philosopher, c’est prendre conscience de .. afin de se rendre maître de soi.

Nous allons voir que la philosophie attache un sens spécifique à la notion de conscience, qui va bien au-delà de la conscience "critique" découverte par Socrate, et cela, à partir de Descartes.

Mais avant d’y venir, abordons quelques exemples.

  1. "j’ai pris conscience de cela en vieillissant"
  2. "la conscience est ce qui doit diriger nos actions"
  3. "sa conscience lui interdit d’agir de cette façon"
  4. "il est totalement inconscient du danger"
  5. "l’inconscient est ce qui détermine nos actions"

 

I- Les propositions (1) et (4) emploient le mot "conscience" au sens d’"avoir conscience de", ou de "prendre conscience". Avoir conscience, c’est le plus souvent être capable de déterminer les conséquences de certains actes ou comportements. Ce qui importe, c’est la notion de capacité à faire quelque chose.

Précisions : Cf. étymologie = "cum-scientia", "accompagné de savoir" : être conscient, c’est agir, sentir, ou penser, et savoir qu’on agit, sent, ou pense.

En fait il y a plusieurs niveaux de conscience : il y a la conscience immédiate, la conscience réfléchie, et la conscience morale, qu’on peut ranger dans la conscience réfléchie (en tant qu’elle semble présupposer nécessairement son émergence).

1) La conscience immédiate : ce qui accompagne tous nos actes, nos perceptions, etc (sorte de présence du monde, à laquelle nous faisons attention : nous ne sommes alors pas "immergés" dans le monde, confondus avec) Ici l’exemple serait : percevoir un objet; se rendre compte qu’un objet est devant nous; et même, c’est ici qu’on rangerait "il a perdu conscience" (ie : il n’est plus "éveillé")

2) La conscience réfléchie : la conscience est ici capacité de retour critique sur nous-mêmes, sur nos expériences, nos actions, etc. ; la conscience se retourne sur elle-même, prend ses états de conscience comme objets de conscience; le sujet qui est conscient se ressaisit ici comme conscience, il a conscience d’être conscient (on "prend" conscience)

3) La conscience morale : capacité de répondre de soi, à porter des jugements de valeurs sur ses comportements (ceux d’autrui, ou les miens); nécessite la précedente, car le sujet doit pour cela faire retour sur ses actes afin de les juger.

II- Les propositions (2), (3) et (5) supposent tout autre chose. Il ne s’agit plus d’avoir conscience de quelque chose, mais d’être une conscience. Elle devient quelque chose en moi, ou quelque chose qui est moi, une sorte d’entité dont il faudrait percer les mystères. Elle serait le siège de la pensée et de la personnalité des individus.

C’est ce deuxième sens qui, à partir de Descartes, intéresse avant tout la philosophie : il s’agit d’une entité, d’une chose, du siège (origine) des actes, de la pensée, qui se situe sous ou dans notre tête.

Le problème philosophique de la conscience est donc, depuis Descartes, celui de savoir :

1) s’il existe quelque chose de tel, ou si au contraire elle n’est qu’une fiction (qu’elle soit d’origine philosophique, et donc, exemple typique de ce que fait la métaphysique, ou ancrée dans le sens commun).

2) et si on peut y avoir accès : après Descartes, la tradition française a continué et consisté à considérer le moi comme un objet, qui, de surcroît, est le fondement privilégié de toutes nos connaissances et de tout ce qu’on peut savoir. Le problème est ici celui de savoir si avoir conscience de soi, c’est vraiment se connaître soi-même

I- DESCARTES : LA CONSCIENCE COMME ENTITE ET COMME TRANSPARENCE A SOI

 

Introduction

a) Qui est Descartes?

Il est né en 1596 à La Haye) et est mort en 1650 à Stockholm, où il contracte une pneunomie due au fait qu'il se lève très tôt pour donner des cours à la reine Christine de Suède.

A 10 ans, il entre au collège de La Flèche, une des plus célèbres écoles d’Europe. En raison de sa constitution fragile, il a droit à un traitement de faveur : il est autorisé à travailler tous les matins au lit.

Il est séduit par les mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons, et rêve d’en étendre le champ d’application. En revanche, il est déçu par l’enseignement reçu dans les autres disciplines, en particulier par la philosophie (scolastique). Aussi, dès ses études terminées, il n’aura de cesse de tout reprendre par le commencement et de ne rechercehr d’autre science que celle qu’il pourrait tirer de son propre fond ou puiser dans le grand livre du monde.

Inaugure ainsi la philosophie du sujet; et devient le symbole du rationalisme : croit en la toute-puissance de la raison, consciente de sa capacité de rendre l’homme maître et possesseur de la nature.

Il séjournera 20 ans en Hollande, et entretiendra une correspondance suivie avec la communauté scientifique et philosophique européenne.

 

b) Sa philosophie poursuit trois objectifs fondamentaux :

1) acquérir la vraie méthode pour parvenir à la connaissance de toutes les choses dont l'esprit serait capable

2) rechercher les premiers permettant la constitution d’un système total du savoir

3) préparer la voie vers la plus haute et la plus parfaite morale, qui, présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse

 

 

c) Bibliographie

Règles pour la direction de l’esprit

Traité du monde (non publié à cause de la condamnation de Galilée)

Discours de la méthode (1637)

Dioptrique, Météores, Géométrie (applications de cette méthode)

Tous ces traités sont écrits en français, afin de s’adresser, non aux doctes et aux érudits, mais à tous les individus de bon sens qui font usage de leur raison. La communauté scientifique va d’ailleurs bouder cette œuvre

Les méditations métaphysiques (écrites en latin, vont susciter, elles, de vifs débats)

Principes de la philosophie (1644) (il a alors le sentiment d’avoir achevé son oeuvre, de livrer la vraie philosophie, ie, la métaphysique, qui contient les principes de la connaissance, et d’autre part la physique qui expose les vrais principes des choses matérielles)

Les passions de l’âme (son dernier objectif : préparer la voie vers le dernier degré de la sagesse : c’est sa morale définitive)

 

A- La découverte du cogito (commentaire de la 4ème partie du Discours de la méthode de Descartes)

 

Nous avons dit, dans notre introduction, que c'est à partir de Descartes que la notion de conscience a reçu un sens technique et proprement philosophique. Il s'agit de la conscience comme entité à part du monde extérieur, irréductible à celui-ci, et douée d'un pouvoir spécial concernant l'accès à "soi-même". Pour le montrer, nous allons nous attacher à un texte issu de la 4ème partie du Discours de la méthode, où Descartes nous expose le cheminement par lequel il a, quelques années auparavant, découvert le "cogito".

 

 

Premier alinéa

1) le doute hyperbolique

Descartes, Discours de la méthode, IV

"Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j'y ai faites; car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu'elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu'on puisse juger si les fondements que j'ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d'en parler. J'avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu'on sait fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus; mais, parce qu'alors je désirai vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu'il n'y avait aucune chose qui fut telle qu'ils nous la font imaginer. Et parce qu'il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j'étais sujet à faillir, autant qu'aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j'avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir, quand nous dormons, sans qu'il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m'étaient jamais entrées l'esprit n'étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.

Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : "je pense, donc je suis", était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeais que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais."

 

 

 

Commentaire

 

a) Le problème de Descartes est celui du fondement de la connaissance.

Il s'est proposé de s'assurer de la validité de toutes les connaissances qu'il a acquises. L'école transmet une connaissance sur un mode dogmatique. Ce que Descartes se propose, c'est d'examiner à quel titre cette connaissance en est une. Il s'agit donc de trouver un fondement de la connaissance autre que la crédibilité des professeurs.

 

b) Il distingue théorie et pratique

 

Exigence métaphysique

Exigence morale

C'est le domaine de la connaissance/ théorie/ vérité; ici, on a tout le temps, donc, on peut douter de tout, ou déterminer nos raisons de croire

C'est le domaine de la pratique, des mœurs, de l'action, du comportement; ici, on n'a pas le temps de chercher la certitude absolue; on accepte l'incertain, on décide de le tenir pour vrai; on se plie à l'attitude commune

 

c) La méthode cartésienne de recherche de la vérité

c1) C'est le "doute hyperbolique".

Dans la vie quotidienne, le doute est simplement une incertitude passagère que l'on dissipe en choisissant l'opinion la plus probable. Les autres sont souvent questionnés pour dissiper ces doutes. En revanche, le "doute hyperbolique" est une expérience intellectuelle qui consiste à accroître constamment le doute en exigeant une certitude absolue et qui ne soit jamais fondée sur l'accord avec les autres.

NB : peut-on douter de tout? Dans le domaine de la connaissance, oui, mais pas dans le domaine de la pratique.

Ce doute hyperbolique prend trois formes :

c2) Le doute quant aux données sensibles

Dans la vie pratique, les illusions des sens ne conduisent pas à mettre en doute la probabilité que les choses sont bien comme nous les percevons. Mais, dans le domaine de la théorie, on va pouvoir mettre en question le rapport entre les données des sens et les objets, et même, entre les données des sens et l'existence des objets. En effet, la sensibilité produit des images dont je ne puis être sûr qu'elles correspondent à quelque chose.

NB : Le caractère artificiel de ce doute est bien indiqué par l'expression "je voulus supposer".

Peut-être résumer un peu plus en détail ce qui se passe dans les Méditations avec le malin génie.

c3) Le doute peut aussi porter sur le raisonnement

Descartes montre en effet que si on s'est trompé une fois en raisonnant, alors, on peut penser qu'on se trompe toujours.

Dans la vie pratique, la possibilité de mal raisonner conduit simplement à faire plus attention et à n'accorder qu'une probabilité à nos raisonnements.

Dans la démarche suivie par Descartes, la possibilité de l'erreur conduit à un doute absolu sur la validité de nos raisonnements.

c4) La distinction rêve et veille

Dans la mesure où les images des rêves ne s'indiquent pas d'elles-mêmes comme "images de rêves", la différence entre la veille et le rêve devient impossible à déterminer. Donc, il n'y a peut-être que du rêve, ie, que des illusions.

NB : A nouveau, Descartes précise qu'il y a bien une feinte ("je me résolus de feindre que").

 

2) Je pense donc je suis

a) Le cogito ou la première vérité

Mais le doute doit bien s'arrêter quelque part, car si toutes mes pensées ne sont que des illusions, il y a nécessairement un sujet de l'illusion, quelque chose qui est illusionné.

Argument :

(1) l'illusion est une pensée

(2) il y a donc quelque chose qui pense

(3) il y a donc une chose pensante

Le doute débouche donc sur une certitude absolue, puisque plus je doute, plus je suis certain qu'il y a quelque chose qui doute, et donc que je suis une chose pensante.

 

b) Remarque : le cogito est-il un syllogisme?

La fin du premier alinéa est-elle un raisonnement de la forme :

(1) tout ce qui pense est

(2) or je pense

(3) donc je suis

On peut répondre :

D'abord, que si c'était un raisonnement de ce type, ce serait une pétition de principe, puisque l'on tiendrait pour acquis "tout ce qui pense est", et que l'on supposerait résolu par cet acquis le problème que l'on pose.

 

D'autre part, si l'argument du cogito était un raisonnement, puisque l'on doute de tous les raisonnements, il n'y aurait aucune raison de ne pas douter de celui-là en particulier.

Par conséquent, il ne peut pas s'agir pour Descartes de démontrer l' existence de la conscience, mais d'en avoir et d'en affirmer l'évidence intuitive. Si seul le cogito échappe au doute, c'est parce qu'il n'est pas une vérité d'ordre logique.

Descartes, Réponse aux 2ndes objections, in Méditations métaphysiques :

"Lorsque quelqu'un dit : "je pense, donc je suis", ou "j'existe", il ne conclut pas son existence de sa pensée comme par la force de quelque syllogisme, mais comme une chose connue de soi, il la voit par une simple inspection de l'esprit".

Toutefois, il reste peut-être trois difficultés :

a) Descartes dit : "je pense". Mais "je pense" n'entraîne pas "je suis", mais "il y a quelque chose qui pense", ou même "ça pense". Descartes se défendrait toutefois en disant que l'on revient à un raisonnement alors qu'il s'agit d'une intuition.

b) Descartes, même s'il considère que le cogito est une intuition, en parle souvent comme s'il s'agissait d'une démonstration.

c) Il y a peut-être quelque chose dont Descartes ne doute pas dans son doute hyperbolique : c'est du sens des mots dans lesquels s'effectue le doute. C'est une objection que lui a faite Gassendi.

Mais on trouve toutefois un petit texte de Descartes qui semble montrer que Descartes était conscient de la difficulté selon laquelle l'argument du cogito présuppose le vocabulaire qu'il emploie, et donc, l'apprentissage dans une communauté linguistique de ce vocabulaire :

Descartes, Principes de la philosophie, I, 10 :

"Lorsque j'ai dit que cette proposition " je pense donc je suis" est la première et la plus certaine à celui qui conduit ses pensées par ordre, je n'ai pas pour cela nié qu'il me fallût savoir auparavant ce que c'est que pensée, certitude, existence, et que pour penser il faut être, et autres choses semblables; mais, à cause que ce sont là des notions si simples, que d'elles-mêmes elles ne nous font avoir la connaissance d'aucune chose qui existe, je n'ai pas jugé qu'elles dussent être prises en compte".

Deuxième alinéa : "que suis-je?"

 

Descartes, Discours de la méthode, IV, deuxième alinéa

"Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je n'avais aucun corps, et qu'il n'y avait aucun monde, ni aucun lieu où je fusse; mais que je ne pouvais pas feindre, pour cela, que je n'étais point; et qu'au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j'étais; au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été : je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, ni ne dépend d'aucune chose matérielle. En sorte que ce moi, ie, l'âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et qu'encore qu'elle ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est".

 

 

Le premier alinéa répondait à la question ""suis-je?"; le deuxième répond à la question "que suis-je?".

Deux thèses importantes sont ici soutenues :

1) Je suis ce sans quoi je n'aurais pas d'être; donc, je ne suis pas autre chose qu'une conscience de penser, conscience distincte du corps dont je puis toujours feindre de douter. C'est le dualisme cartésien.

2) L'âme est plus facile à connaître que le corps, puisque je ne puis douter ni qu'elle est (puisque c'est moi) ni de ce qu'elle est (pure pensée).

 

B-Descartes érige donc la conscience, comme fondement de toute certitude. Elle est ce qu’il y a de plus certain au monde.

 

1) L’immunité spéciale des actes de conscience

a) La conscience est donc chez Descartes douée d'une certitude spéciale, que rien ne peut atteindre.

Exemples de jugements absolument certains :

(1) je doute que le monde physique existe

(2) je crois que j'existe

(3) je veux en savoir plus

(4) j'imagine une licorne

(5) il me semble voir/ entendre/ sentir un cheval

(6) je juge que x existe

Ces énoncés ont tous en commun d'être au sujet de nos pensées : ils décrivent seulement nos états d'esprit présents, et ne font aucune affirmation concernant ce qui existe indépendamment de notre pensée.

Ainsi, tout comme l'énoncé "je suis en train de penser" est une proposition certaine, toutes les croyances, assertions, ou jugements au sujet de nos propres pensées, jouissent d'une certitude spéciale qui les immunisent contre toutes les formes de doute énoncées par Descartes.

Même, et surtout, contre le plus extravagant de ces doutes, celui qui porte sur l'existence du monde extérieur, et qui recourt à la fiction du malin génie.

Ainsi, alors que le malin génie est capable de nous fournir toutes les sensations que nous recevrions des objets extérieurs, même s'ils n'existent pas, ie, alors que les choses pourraient très bien nous sembler être extérieures tout en ne l'étant pas réellement, le malin génie ne peut me faire croire à l'existence des choses intérieures, ie, il ne peut me tromper concernant ce qui arrive dans mon esprit.

Exemple : supposons que vous alliez chez un médecin parce que vous avez mal à l'épaule gauche, et que le médecin ne trouve rien. S'il vous demande si vous êtes bien sûr d'avoir mal, vous serez spontanément indigné, car cela suppose que vous mentez. Pourquoi? Parce que vous ne pouvezz pas vous trompez quant à savoir si vous avez mal.

b) Présupposé : le dualisme

Cette thèse cartésienne suppose, pour être valide, le dualisme. En effet, le dualisme suppose que la conscience, ou le domaine de l'esprit, est irréductible au monde extérieur, domaine des choses physiques et matérielles, et peut même exister sans lui.

 

Le dualisme affirme donc la scission radicale entre deux domaines, esprit et matière, âme et corps. On a d'un côté le domaine du purement spirituel, étranger à l'espace, indivisible : c'est l'intériorité pure. De l'autre, ce qui est purement géométrique et mécanique, le corps, fragment d'étendue, indéfiniment divisible; domaine de l'extériorité. La pensée est entièrement libre par rapport à la matière et inversement : les processus matériels peuvent se produire indépendamment de la pensée, et vice-versa. Possibilité d'un fonctionnement complet de l'âme et/ou du corps, indépendamment l'un de l'autre.

Le dualisme cartésien consiste donc essentiellement en deux grandes thèses :

(1) les esprits sont des choses réelles d'un genre fondamentalement différent des choses matérielles

(2) les propriétés mentales et états mentaux sont des propriétés et états des choses immatérielles

C'est bien la condition qui rend possible que, quand je pense mes propres pensées, je ne peux jamais me tromper ou être trompé. Sinon, si je dépendais du monde extérieur pour exister et pour penser, alors, cela serait tout aussi faillible et douteux que le reste (que le monde extérieur lui-même). Autrement dit, la conscience est vraiment chez Descartes un monde à part, une sorte de citadelle intérieure.

Conséquence extrême de cette thèse : il peut donc y avoir des pensées sans objet…

 

2) Conséquence : l’idéalisme.

L'idéalisme est une thèse philosophique qui affirme l’impossibilité de prouver le monde extérieur, et même, en conteste l’existence.

C'est Descartes qui est à l'origine de cette thèse. En effet, depuis les Méditations de Descartes, les philosophes ont semblé être de plus en plus certains de l’existence d’un monde intérieur propre à chaque esprit. Le monde extérieur ne serait perçu et connu que par l’intermédiaire des idées qui peuplent ce monde intérieur. Ce dont nous pouvons être sûr, c’est ce de ce monde intérieur d’idées, alors même que ce rapport à un monde extérieur serait problématique.

Ainsi naquit l’idéalisme moderne, dont l’évêque écossais Berkeley en proposa une forme radicale à la fin du 17e (in Principes de la connaissance humaine, 1710).

 

a) Pour Berkeley, la matière n'existe pas : l'immatérialisme

Le monde se réduit entièrement aux états de conscience, et aux consciences ou intelligences. Autrement dit, pour Berkeley, seul Dieu et les esprits individuels existent. La réalité des choses, c'est d'être perçues, ou percevoir : il n'y a rien au-delà. Les choses ne sont donc que des collections de qualités sensibles.

 

Exemple : une boule de neige n'est rien d'autre que ses propriétés, ie, rondeur, dureté, blancheur, froidure.

Toutes ces propriétés sont en fait des modifications de l'esprit, parce que ces propriétés ne peuvent nullement exister hors de l'esprit (enlevez ces sensations, nous dit Berkeley, vous enlevez la boule de neige qui n'est donc pas du tout un être distinct des sensations). Selon lui, seul un métaphysicien pourrait croire qu'il y a quelque chose d'imperceptible et présent en même temps que les propriétés perceptibles (ce serait une boule de neige intangible)

 

b) L'idéalisme est irréfutable

 

D'abord, objectons à Berkeley que je sens bien une table, et ce qui le prouve, c'est que par exemple, si je la frappe, je ressens une impression de résistance, et pire encore, si je la frappe violemment, je ressens de la douleur. Dès lors, c'est qu'il y a bien quelque chose au-delà de mes sensations! -Berkeley nous répond alors, et on ne peut rien lui opposer, que l'impression de résistance et la douleur sont justement des états de conscience. Or, des états de conscience ne peuvent exister que dans une conscience…

Si on lui objecte toutefois que les objets doivent bien exister quelque part quand ils ne sont pas perçus, ni par moi ni par un esprit quelconque, ie, qu'il faut bien que la boule de neige existe même si personne n'existe (pour la percevoir), ou encore, qu'elle n'a pas besoin de moi pour exister et avoir les qualités qu'elle a, il rétorque qu'elle existe alors, soit dans d'autres esprits que le mien, soit dans l'esprit de Dieu.

Il répond encore qu'à supposer qu'il y ait un monde extérieur, comment pourrions-nous savoir quoi que ce soit à son propos? Et même, qu'il existe? Ainsi, nous percevons une boule de neige : "boule de neige perçue"; comment savons-nous qu'à celle-ci correspond une boule de neige extérieure ou non perçue? Tout ce que nous connaissons, c'est ce que nous percevons, ie, des propriétés qui existent seulement dans notre esprit (une boule de neige qui existerait indépendamment de notre esprit, n'aurait d'ailleurs pas de propriétés!).

 

c) Le problème est alors de savoir comment on peut encore distinguer entre vérité et erreur

Berkeley y parvient en disant que l'image est faible, confuse, désordonnée; ie, nous pouvons savoir que nous n'avons affaire qu'à des images et non à la réalité quand il y a un manque de liaison et d'unité de ce que nous percevons avec les occupations et évènements antérieurs et ultérieurs de notre vie. La perception réelle se reconnaît donc, elle, grâce à la stabilité, l'ordre, la cohérence.

 

d) Mais comment se fait-il encore que ces perceptions nous apparaissent comme des objets?

Réponse de Berkeley : certaines perceptions nous apparaissent comme étant constamment liées entre elles.

 

e) Et comment se fait-il que plusieurs esprits voient la même chose?

Réponse de Berkeley : c'est Dieu qui nous envoie nos perceptions et qui coordonne les perceptions des différents esprits, de façon à ce qu'il y ait un monde commun à tous les esprits.

Par conséquent, il y a bien, chez Berkeley, une source extérieure de mes perceptions; seulement, cette source n'est pas le monde extérieur, mais Dieu, esprit suprême.

 

f) L'intérêt de cette thèse est d'éviter le scepticisme, ainsi que le doute cartésien

Le scepticisme stipule qu'on ne peut rien connaître concernant le monde, et le doute cartésien, que peut-être, on ne connaît pas les choses telles qu'elles sont réellement.

Or, s'il n'y a pas de substance matérielle, alors, je ne peux pas douter que mes idées me font connaître ce pour quoi elles se donnent. Il n'y a rien au-delà de mes idées, par conséquent, je connais directement les choses.

 

g) Ne peut-on objecter à Berkeley qu'il a rétabli, avec Dieu, un au-delà inconnaissable?

 

Ce serait grave car c'est ce qu'il reproche aux matérialistes ou externalistes (ceux qui "croient" à l'existence du monde extérieur). Or, Berkeley a encore une réponse : il dit que Dieu est un autre esprit, et que nous le connaissons par analogie avec nous-mêmes. C'est donc, finalement, une thèse moins surchargée ontologiquement que l'externalisme/matérialisme, puisque ce dernier suppose l'existence de quelque chose qui n'a aucune relation avec ce dont nous pouvons faire l'expérience (un "je ne sais quoi" sans aucune propriété). C'est donc l'externalisme, pas l'immatérialisme, qui entraîne l'existence d'entités presque fantastiques -entités dont justement on se débarrasse grâce au postulat d'un Dieu immatériel.

 

C- Ce qui est encore plus important, c’est que Descartes fait de la conscience un objet, un "moi" spécial, auquel on peut avoir accès

 

1) Rappel

Chez Descartes, l'analyse de la notion de conscience est liée à une tentative pour fonder la conscience sur l'acte même de la pensée et sur l'être de Dieu. Il ne s'agit évidemment pas de psychologie, mais de métaphysique.

En revanche, la notion de sujet, de subjectivité, va apparaître à partir de Descartes. On ne retiendra plus le caractère métaphysique de son analyse, mais seulement l'idée d'une intériorité de la conscience. Cette idée va même passer dans le sens commun. Chaque individu va être considéré comme un "moi" isolé de tout autre, une sorte de citadelle qui devrait trouver les moyens de l'expression de son intériorité sans qu'elle puisse jamais parfaitement s'extérioriser. On trouve ainsi, dans le langage courant, des expressions comme :"mais qu'as-tu dans la tête?"; "on ne sait pas ce que pensent les gens".

La psychologie semble être l'investigation du contenu de conscience intime des êtres ; en ceci, son présupposé est d'origine cartésienne, puisque c'est celui selon lequel dans notre "moi" se dérouleraient des processus auxquels seuls nous aurions accès, et qui donneraient sens à ce que nous faisons et à ce que nous disons. La conséquence de ce présupposé est que chaque conscience est une réalité psychique coupée des autres et que ce que pense un individu lui est absolument propre.

 

2) La substance pensante ou la conscience réifiée

 

a) La conscience est une substance pensante

La conscience est chez Descartes une entité à part; il convient maintenant de revenir un peu sur le fait que cette conscience est une entité, une chose, et non une simple capacité de nos esprits. Descartes exprime cette thèse en disant que la conscience est une "substance pensante".

a1) D'abord, qu'est-ce qu'une substance?

 

C'est une chose au sens philosophique : c'est ce qui fait qu'une chose reste une et la même à travers divers changements (Descartes en donne un exemple dans l'épisode du morceau de cire : il y a quelque chose qui subsiste dans tous les changements d'un corps quelconque). La substance, c'est ce qui sert à relier les qualités, qui est au-delà d'elles.

Exemple : Socrate est chauve, il est assis, il marche, etc. : la substance, c'est le substrat qui reçoit ces qualités, qui fait que Socrate, malgré tous les changements qui lui arrivent, reste toujours le même (cf. sub, au-dessous, et stare, rester)

a2) Ensuite, qu'est-ce qu'une substance pensante?

Dire que le Je pensant est une substance pensante, c'est donc dire que les états mentaux, qui lui appartiennent, sont ce qui arrive à cette substance; et que au-delà, il y a quelque chose, un moi, ou l'âme, qui sert à les relier, qui les retient, qui en est l'origine, etc.

Etant donné le dualisme, la conscience ou la substance pensante est une chose immatérielle, et nous avons donc la chose mystérieuse dont nous parlions dans l'introduction.

 

b) La prise de conscience de soi est donc une connaissance de notre moi profond (ou : la connaissance introspective)

Appliquons le principe de la certitude absolue des actes ou contenus de conscience : on obtient alors la thèse selon laquelle on pourrait avoir, par la conscience, accès à ce moi intérieur caché au fond de nous, que les autres ne verraient pas.

 

c) Problème : Descartes sent-il vraiment, comme une présence immédiate, la présence de ce moi?

Regardons-bien ce que dit Descartes : il passe du "je pense" à "je suis une substance pensante" : or, si dans la première proposition nous nous situons sur un plan psychologique (nous avons affaire à la conscience que j'ai de moi-même au moment où je pense), nous avons affaire, dans la seconde proposition, à un moi "ontologique" (métaphysique), qu'aucune expérience psychologique ne saurait justifier. En fait, la "déduction" cartésienne, le passage du je pense que je suis, au je suis pensant, et au "je suis une substance pensante", ne se justifie que si Descartes fait un raisonnement : a) il part de la notion de substance comme présupposé (ie : toute propriété nécessite pour exister une substance dans laquelle elle inhère); b) et de son dualisme : les propriétés matérielles inhèrent dans une substance matérielle, et les propriétés mentales inhèrent, de même, dans une substance mentale, immatérielle.

Ce raisonnement est le suivant :

(1) une chose est composée de ses propriétés, plus une substance sous-jacente à laquelle elles appartiennent

(2) s'il y a une propriété alors il doit y avoir une substance à laquelle elle appartient

(3) une pensée est une propriété

(4) s'il y a une pensée, alors, il y a une substance à laquelle elle appartient : Je, Ego, Moi

 

Problème

C'est que, évidemment, Descartes est censé ne rien présupposer acquis, et s'opposer notamment à la tradition scolastique, issue d'Aristote : or, la notion de substance, d'attributs, etc., est directement issue de son bagage intellectuel. Descartes échoue donc à douter de tout (il pense à travers la tradition dans laquelle il a été habitué de penser, si bien qu'il ne voit pas que la notion de substance ne va pas de soi, que c'est une croyance ou du moins une position philosophique).

Nous sommes donc finalement en présence d'un problème typiquement métaphysique : le moi n'est plus un fait (psychologique, doué d'une évidence supérieure au monde des corps) mais un terme érigé en absolu. Ou bien le "je" est le "je" du je pense, ou bien il est le "je" du "je suis"; mais alors, il n'est plus le "je" engagé dans le "je pense".

3) Texte de Geach, Mental acts

a) Propos du texte : la critique de l'introspection

Geach, philosophe analytique contemporain, exerce ici une critique acerbe de l'introspection cartésienne, qui suppose, on vient de le voir, l'existence d'un moi profond caché au plus profond de nous, auquel nous aurions accès par une expérience spécifique et dotée d'un pouvoir spécial : l'introspection. Ie, la conscience, entité propre à l'homme, a le pouvoir de revenir sur elle-même, de rentrer en elle-même, pour se connaître.

Geach exprime cette conception comme suit.

Chez Descartes, "je", "moi", réfère, non pas à l’homme que les autres peuvent voir, ou connaître, mais à quelque chose de distinct et qui ne peut être connu que par une expérience très particulière, que l’on appelle "introspection". La conscience-moi de Descartes, ce n’est pas l’individu que nous connaissons, qui a une fonction sociale, etc., mais une réalité qui ne peut être connue qu’à travers une connaissance particulière, qui consiste à entrer en soi-même.

Pour montrer cela, l’auteur se demande si le "je" dont il est question correspond au "je" que j’utilise dans la langue ordinaire, pour attirer l’attention sur moi quand je parle. Il répond que chez Descartes, il ne peut plus avoir cette fonction. C’est donc que le Moi n’a rien à voir avec le "je" ou le "moi" habituel. Si on rentre dans l’argument cartésien, le "je" est une substance pensante, et sa pensée, une perception. Ce qui revient à traiter les perceptions, sensations, émotions, comme des entités qui arrivent dans une substance pensante. Conséquence : il peut alors y avoir perception, sans objet perçu.

 

b) §1

Geach, Mental acts, Chapitre 26, L'erreur du cogito ergo sum, §1

Il vaut la peine de montrer ce qui est vraiment faux dans le "cogito ergo sum" cartésien. Beaucoup de gens qui ne font pas de philosophie pensent que des usages de "je" comme dans "Je sens que j'ai faim et je me rappelle ce que je pensais hier" peuvent nous permettre de comprendre directement une question comme "serai-je encore conscient après la destruction de mon corps?". L'idée est que l'introspection peut donner au mot "je" un sens spécial que chacun d'entre nous est à même d'apprendre par lui-même. "Je", pris en ce sens, ne signifierait pas l'homme P.T.G., quand P.T.G. l'utilise, car personne ne souhaiterait savoir si l'homme P.T.G. sera encore là après la destruction de son corps. Ce qu'on suppose est que P.T.G. peut utiliser "je" pour exprimer une connaissance de quelque chose de sitinct de l'homme P.T.G., ce dernier étant nettement distingué de celui qui regarde en lui-même.

 

Ce qui nous reste de l’argumentation cartésienne c’est l’idée qu’il y a deux Peter Geach; il y a le Peter Geach regardant en lui-même (P.T.G (2)), et l'autre (P.T.G (1)); P.T.G (2) n’habite nulle part, ne mourra pas, etc. C’est ce P.T.G (2) qui peut seul y avoir accès, en regardant en lui-même.

 

c) §2 et 3

Ib., §2 et 3

§2 Commençons par nous rappeler à nous-mêmes comment "je" est utilisé avec des verbes psychologiques dans la vie ordinaire. Si P.T.G. dit "je vois une araignée" ou "je me sens malade", les gens penseront ordinairement que le locuteur qui dit cela, P.T.G., voit une araignée ou se sent malade. Le mot "je", dit par P.T.G., sert à attirer l'attention des gens sur P.T.G.; si savoir qui parle n'est pas immédiatement clair, la question "Qui dit cela?" ou "Qui est je?" est vraiment une question. Considérons maintenant Descartes dans son poêle remâchant des idées et disant : "j'ai les idées horriblement embrouillées -mais qui est ce "je" qui a les idées embrouillées?". Si "j'ai les idées embrouillées" est un soliloque, "je" ne sert certainement pas à diriger l'attention de Descartes sur Descartes, ou à montrer que c'est Descartes, et personne d'autre, qui a les idées embrouillées. Cependant, il ne s'agit pas d'affirmer que puisque "je" ne réfère pas à l'homme René Descartes, il réfère à autre chose, plus intangible. C'est plutôt le mot "je" qui dans ce contexte est inutile, superflu; il est seulement utilisé parce que Descartes est habitué à l'usage de "je" (ou de "moi") pour exprimer ses pensées et ses sentiments à d'autres gens. Dans un soliloque, il aurait tout aussi bien pu s'exprimer sans utiliser du tout le pronom de la première personne; il aurait pu dire : "C'est vraiment terriblement embrouillé!", avec "Ceci" référant à ses méditations précédentes.

§3 De plus, qu'est-ce qui comptera comme une réponse acceptable à la question "Quel est ce "je"?" ou "Qui suis-je alors?"? Ces questions auraient pu avoir un sens clair et net dans certaines circonstances -par exemple, si Descartes avait perdu la mémoire et voulait savoir qui il était ("Qui suis-je?" "Vous êtes René Descartes"), ou s'il savait que quelqu'un avait dit "J'ai les idées embrouillées", mais pas que c'était lui ("Qui est ce "je" qui a dit qu'il avait les idées embrouillées? "C'était vous"). Les états d'esprit qui donneraient un sens à ces questions sont étranges et peu communs, mais ils peuvent exister. Cependant des circonstances aussi rares n'étaient pas supposées dans la véritable méditation de Descartes; dans les conditions véritables, c'est simplement que les questions "Qui suis-je?", "Qui est ce "je"?", sont privées de tou usage ordinaire et aucn nouvel usage n'a pourtant été spécifié.

 

Quand j’utilise "je" avec des gens, et que je me parle à moi-même, ce n’est pas la même chose. Dans 1) le je sert à attirer l’attention sur moi; par contre, on n’a pas besoin de s’indiquer à nous-mêmes que c’est nous qui parlons. Donc : ce je doit servir à attirer l’attention sur quelque chose d’autre que celui qui parle, en quelque sorte, sur une autre réalité. C’est bien ce que, après Descartes, on est tenté de faire. Descartes fait d’ailleurs comme si c’était quelque chose de mystérieux dans la vie ordinaire. Comme référence au "je", on est censé saisir son âme.

Descartes utilise donc les mots dans un sens supra-physique : il donne au terme "je" une tout autre signification que celle qu’il a d’habitude, quand il désigne celui qui parle, mais, en faisant comme si le problème se posait réellement de savoir ce que désigne "je" quand il est employé dans un soliloque méditatif, et pas dans une conversation.

C’est cet usage douteux du mot "je" qui a produit toute une philosophie de la conscience, ce qu’on appelle la "découverte de la subjectivité comme auto-fondationnelle".

II- LE MOI EN QUESTION : CHOSE OU FONCTION?

 

A- HUME : LA CONSCIENCE COMME ENTITE EST UNE PURE ILLUSION -CRITIQUE DE L’INTROSPECTION-PROBLEME DE L’IDENTITE PERSONNELLE.

Introduction.

 

1) Transition

 

La critique la plus virulente de la saisie intuitive du moi, et du moi comme entité substantielle, nous est donnée par Hume, dans son Traité de la nature humaine, I, IV, VI. Sa thèse est que la conscience de soi n’a rien de privilégié : elle ne nous donne pas accès à nous-mêmes. Cela, parce qu’il n’y a tout simplement rien de tel que le moi.

 

2) Projet général de Hume.

Hume est un philosophe écossais, né à Edimburgh en 1711 et mort en 1776. Œuvres principales : Traité de la Nature Humaine, 1739; Enquête sur l'Entendement Humain, 1748.

 

a) L'empirisme.

a1) La critique du rationalisme : toute connaissance commence par l'expérience

Hume a une visée critique par rapport aux rationalistes (Descartes, Leibniz, Malebranche, etc.), pour lesquels la raison est dès la naissance, de toute éternité, bardée de principes qui lui permettent d'explorer la réalité, de la connaître; bref, de découvrir les lois de la nature sans avoir recours à l'expérience.

Pour lui, qui est empiriste, nous ne pouvons rien connaître de manière innée, avant d'avoir eu un contact avec l'expérience. Nous ne connaissons rien, si ce n'est par les sens.

L'empirisme fait quelque chose de très original : il cherche à voir comment est le monde véritablement, avant que notre esprit se soit formé sa conception de la réalité, au fil des expériences. Hume se place donc en quelque sorte du point de vue d'un enfant, qui n'a encore eu aucune exp, ou même, du point de vue d'Adam : il s'agit chaque fois d'imaginer ce que verrait un esprit pur, ce qu'il induirait de ce qu'il voit, afin, évidemment, de se moquer des rationalistes.

Pour Hume, le monde se présente comme suit :

a2) Impressions et idées -le principe de copie

Il part des représentations de l'esprit, qui sont tout ce dont nous disposons (nous sommes immédiatement en présence de nos idées, et de rien d'autre : cf. révolution cartésienne!). Il les appelle des "perceptions". Ces perceptions se divisent en impressions et idées; les impressions sont les données originelles de l'esprit, premières dans l'ordre chronologique; ce sont aussi nos perceptions les plus vives, les plus fortes. Nos idées sont issues (et le sont toujours) des impressions (principe de copie); elles s'en distinguent en ce qu'elles sont plus faibles (cf. souvenir, imagination), mais, évidemment, elles leur ressemblent.

 

a3) Ambiguïté de son empirisme : généalogie des connaissances? Ou appareil critique, de validation des connaissances?

On a vu que l'empirisme humien se présente d'abord comme une entreprise qui vise à retracer la genèse des connaissances (et même des facultés de l'esprit) : il s'agit de revenir au donné sensible originel, et de montrer que toutes les connaissances ont leur origine dans celui-ci. On pourrait donc dire que l'empirisme de Hume est une "généalogie des connaissances".

D'un autre côté, c'est aussi une entreprise critique/normative : l'empirisme sert à juger de la validité des connaissances. Dans ce cas, il se sert du principe du copie : il se demande si les idées (en général celles des philosophes rationalistes) dérivent bien d'une impression correspondante; si non, alors, il les déclare dépourvues de sens.

 

b) La critique de la métaphysique

En conséquence de ce deuxième aspect de l'empirisme, on peut dire que l'empirisme humien est aussi une critique de la métaphysique : elle est pour lui le lieu des fictions de l'imagination, des illusions substantialistes (celles de la matière, de l'âme, de Dieu). Et aussi, le lieu des faux problèmes.

 

3) La généalogie des croyances et facultés humaines.

Il invente donc une nouvelle façon de poser les problèmes philosophiques : par exemple, on ne se demande plus s'il existe des corps, mais "quelles causes nous poussent à croire à l'existence des corps"?

 

4) Analyse du texte de Hume, TNH, I, IV, vi

Hume, Traité de la nature humaine, I, IV, vi, §1

Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. La plus forte sensation et la plus violente passion, disent-ils, au lieu de nous distraire de cette vue, ne font que l'établir plus intensément; elles nous font considérer leur influence sur le moi par leur douleur ou leur plaisir.Essayer d'en fournir une preuve plus complète serait en affaiblir l'évidence; car aucune preuve ne peut se tirer d'aucun fait nous ayons une conscience aussi intime; et il n'y a rien dont nous puissions être certains si nous doutons de ce fait.

a)§1 Le problème : le moi (cartésien) est-il bien une évidence? Une expérience immédiate et incontestable?

Hume s'oppose aux philosophies introspectives, qui prétendent qu' on peut avoir l'intuition d'un moi, et que cette intuition est tellement évidente qu'elle se passe de toute démonstration.

Hume traitera deux problèmes :

 

1- en quoi le moi est-il une fiction? (cf. critique métaphysique)

2- pourquoi formons-nous cette fiction? (cf. perspective généalogique)

 

b) En quoi le moi est-il une fiction?

b1) §2 et 3 Or, fait-on réellement l'expérience de ce que les philosophes affirment?

Hume,TNH, I, IV, vi, §2

Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à l'expérience elle-même, qu'on invoque en leur faveur; et nous n'avons aucune idée du moi à la manière qu'on vient d'expliquer ici. En effet, de quelle impression pourrait dériver cette idée? A cette question, il est impossible de répondre sans contradiction ni absurdité manifestes; pourtant c'est une question à laquelle il faut nécessairement répondre, si nous voulons que l'idée du moi passe pour claire et intelligible. Il doit y avoir une impression qui engendre toute idée réelle. Mais le moi, ou la personne, n'est pas une impression, c'est ce à quoi nos diverses impressions et idées sont censées se rapporter. Si une impression engendre l'idée du moi, cette impression doit demeurer invariablement identique pendant tout le cours de notre existence : car le moi est censé exister de cette manière. Or, il n'y a pas d'impression constante et invariable. La douleur et le plaisir, les passions et les sensations se succèdent les unes aux autres et jamais elles n'existent toutes en même temps. Ce ne peut donc être d'aucune de ces impressions, ni d'aucune autre qu'est dérivée l'idée du moi; par conséquent une telle idée n'existe pas.

 

Hume (§2) va prendre la philosophie de la conscience à son propre piège : elle prétend être fondée sur une expérience particulière, celle du "moi". Pour eux, une certaine expérience (celle de l'introspection) nous conduit à l'idée d'un "moi". Hume va essayer de montrer que l’analyse de l’expérience empêche qu’on puisse la supposer capable de constituer un "moi".

 

Pour cela, demandons-nous d'abord en quoi consiste cette idée.-Réponse : l’idée du "moi", c’est l’idée de quelque chose qui reste identique à travers le temps, et de quelque chose de simple

Ensuite, demandons-nous si si je peux avoir une idée du "moi", en partant de l'expérience, puisque pour Hume, une idée vraie doit avoir son origine dans une impressions correspondante ("il doit y avoir une impression qui engendre une idée réelle").

Y a-t-il des impressions susceptibles d'engendre l'idée du moi, le moi étant ce qui doute, ce qui pense, ce qui veut, etc., ie, qui a des impressions?

Hume va répondre en insistant sur la nature d'une impression. Une impression, c'est l'unité insécable sur laquelle l'esprit opère. Elle est instantanée, ie, elle ne dure pas. Il n'y a pas d'impressions invariable, mais seulement des impressions discontinues et variables (qui se succèdent indéfiniment les unes aux autres)

Donc : si l'impression est sans idée, alors, elle ne peut jamais engendre l'idée d'un moi, s'il est défini comme identique à travers le temps. Ce dont on peut rendre compte dans l'expérience, c'est seulement d'une série d'impressions discontinues, il n'y a donc nulle part d'évidence d'un "moi" qui aurait des impressions.

Problème :

Il peut sembler que cette notion d’impression est très éloignée de ce dont, justement, on fait l’expérience : personne n’a le sentiment de vivre une suite d’impressions discontinues!

Mais Hume en rendra compte plus loin, car ici, l'analyse ne porte pas vraiment sur l'expérience que je peux faire de moi-même, mais, sur la substantialisation du moi; autrement dit, Hume ne fait pas de psychologie : son but n’est pas de rendre compte de ce qui est vécu, mais d’analyser les notions qui nous servent à rendre compte de notre idée du "moi", afin de proposer une analyse de la conscience qui évite de la substantialiser.

 

 

Hume, TNH, I, IV, vi, §3

Mais en outre, quel doit être le sort de toutes nos perceptions particulières dans cette hypothèse? Elles sont toutes différentes, discernables et séparables les unes des autres; on peut les considérer séparément et elles peuvent exister séparément : elles n'ont besoin de rien pour soutenir leur existence. De quelle manière appartiennent-elles donc au moi, et comment sont-elles en connexion avec lui? Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une percpetion particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser, ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui. Tout ce que je peux lui accorder, c'est qu'il peut être dans le vrai aussi bien que moi et que nous différons essentiellement sur ce point. Peut-être peut-il percevoir quelque chose de simple et de continu qu'il appelle lui : et pourtant je suis sûr qu'il n'y a pas en moi de pareil principe.

 

Argument : ce qui est saisi, quand "j'entre en moi-même", ce n’est pas le moi en tant que tel, mais telle ou telle impression.

Exemple : je perçois, non pas que mon moi a chaud, mais simplement, je prends conscience que j’ai chaud.

"Entrer en soi-même", pour Hume, c’est donc simplement prendre conscience de quelque chose, et non pas s’apercevoir que l’on est une conscience. Il n’y a pas perception d’un moi accompagnée d’une affection de ce moi, mais seulement perception d’une impression.

Ce que je perçois par introspection, ce n’est pas un moi mais un flux d’impressions qui sont discernables et donc différentes les unes des autres.

Que se passe-t-il donc quand nous n’avons aucune perception particulière?

Bien loin de ne plus avoir conscience que de notre "moi", nous n’avons plus aucune conscience. Donc, l’abscence (ou la diminution en nombre et en intensité) de toutes les impressions, équivaut au néant de la conscience. C’est pourquoi, dans le sommeil, je n’ai pas conscience de moi. (ici, Hume se moque vraiment de ce que devrait être le moi cartésien : à la limite, quelque chose qui peut exister sans aucune de ses propriétés, puisque c'est ce qui est au-delà de celles-ci, qui les rend possible, qui les retient, etc.)

 

Conséquence : en supprimant l’idée d’un moi, Hume est conduit à contester l’immortalité de l’âme.

b2) §4 Le moi n'existe pas, c'est une fiction

Hume, TNH, §4

Mais, si je laisse de côté quelques métaphysiciens de ce genre, je peux m'aventurer à affirmer du reste des hommes qu'ils ne sont rien qu'un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité inconcevable et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. Nos yeux ne peuvent tourner dans leurs orbites sans varier nos perceptions. Notre pensée est encore plus variable que notre vue; tous nos autres sens et toutes nos autres facultés contribuent à ce changement : il n'y a pas un seul pouvoir de l'âme qui reste invariablement identique peut-être un seul moment. L'esprit est une sorte de théâtre où diverses perceptions font successivement leur apparition; elles passent, repassent, glissent sans arrêt et se mêlent en une infinie variété de conditions et de situations. Il n'y a proprement en lui ni simplicité à un moment, ni identité dans les différents moments, quelque tendance naturelle que nous puissions avoir à imaginer cette simplicité et cette identité. La comparaison du théâtre ne doit pas nous égarer. Ce sont les seules perceptions successives qui constituent l'esprit; nous n'avons pas la connaissance la plus lointaine du lieu où se représentent ces scènes ou des matériaux dont il serait constitué.

 

Hume en arrive alors à une nouvelle définition de la conscience, complètement débarrassée de tout subjectivisme. Que peut-elle être, une fois le moi détruit? Pour Hume, une conscience, ce n’est rien d’autre qu’une série d’impressions. Et il insiste sur l’extrême diversité et variabilité de ces impressions.

Conclusion : le moi ne peut être qu'une fiction, ie, une construction.

 

c) Pourquoi alors forgeons-nous cette fiction?

c1) le déplacement de la question.

Hume a abandonné la question de l'existence du moi : il n'existe rien de tel. Le problème se déplace donc. Il n'est plus métaphysique mais généalogique, comme nous allons le voir :

(1) nous avons bien une idée de moi, de quelque chose d'identique à travers les variations, auquel nous rapportons nos impressions, ie, un sentiment d'identité à l'égard de nous-mêmes.

(2) or, selon analyse de l'expérience, cette idée ne correspond à rien de réel, car jamais nous ne pouvons extirper l'impression correspondant à cette idée

(3) §5 Alors, comment, et pourquoi, forgeons-nous donc cette fiction? Comment une série d'impressions diverses peut-elle devenir, être prise pour, un "moi"?

Hume, TNH, I, IV, vi, §5

Quelle est donc la cause qui produit en nous une aussi forte tendance à attribuer l'identité à ces perceptions successives et à admettre que nous possédons l'existence invariable et ininterrompue pendant tout le cours de notre existence? Pour répondre à cette question, nous devons distinguer l'identité personnelle en tant qu'elle touche notre pensée ou notre imagination et cette même identité en tant qu'elle touche nos passions ou l'intérêt que nous prenons à nous-mêmes. La première, c'est notre sujet actuel; pour l'expliquer parfaitement, nous devons prendre la question d'assez loin et rendre compte de l'identité que nous attribuons aux plantes et aux animaux : car il y a beaucoup d'analogie entre cette identité et celle d'un moi ou d'une personne.

 

Hume va devoir trouver comment rendre compte de cette propension que nous avons, et qui semble bien être inhérente à la nature humaine, donc, être universelle, à croire que nous sommes un moi; de nouveau, il va exhiber quelque chose qui est de l'ordre de l'expérience, mais, cette expérience ne va être qu'un sentiment

 

L'objection empirique revient à se demander pourquoi on fait passer entre les évènements éparpillés de la vie d'un homme un fil invisible par lequel on les rattache à la même personne, identique à elle-même à travers la diversité des impressions sensibles

c2) §6 Hume répond que l'idée d'identité (en général) naît d'une confusion, d'une erreur, contre laquelle nous ne pouvons rien faire : en effet, dans notre manière courante de penser, nous confondons facilement deux sortes d'idées pourtant bien différentes

Hume, TNH, I, IV, vi, §6

Nous avons une idée distincte d'un objet qui reste invariable et ininterrompu à travers une variation supposée du temps; cette idée, nous l'appelons idée d'identité ou du même. Nous avons aussi une idée distincte de plusieurs objets différents qui existent successivement et sont unis les uns aux autres par une relation étroite; cette succession apporte à une vue attentive une notion de diversité aussi parfaite que s'il n'y avait aucune manière de relation entre les objets. Or, bien que ces deux idées d'identité et de succession d'objets reliés soient en elles-mêmes parfaitement distinctes et même contraires, il est pourtant certain que, dans notre manière courante de penser, nous les confondons généralement l'une avec l'autre. L'action de l'imagination, par laquelle nous considérons l'objet ininterrompu et invariable, et celle, par laquelle nous réfléchissons à la succession des objets reliés, sont presque identiques à la conscience; et il ne faut pas beaucoup plus d'effort de pensée dans le deuxième cas que dans le premier. La relation facilite la transition de l'esprit d'un objet à un autre et rend son passage aussi égal que s'il contemplait un seul objet continu. Cette ressemblance est la cause de la confusion et de la méprise et elle nous fait substituer la notion d'identité à celle d'objets reliés. Certes, à un moment, nous pouvons considérer la succession liée comme variable ou interrompue, mais, au suivant, certainement nous lui attribuons une parfaite identité et la regardons comme invariable et ininterrompue. La ressemblance indiquée ci-dessus nous pousse si fort à cette méprise que nous y tombons avant d'y prendre garde; et, bien que, sans cesse, nous nous corrigions par la réflexion et que nous revenions à une méthode plus soigneuse de penser, nous ne pouvons pourtant pas soutenir longtemps notre philosophie, ou arracher ce penchant de notre imagination. Notre dernière ressource est d'y céder et d'affirmer avec confiance que ces différents objets reliés sont effectivement identiques en dépit de leur interruption et de leur variabilité. Pour justifier à nos yeux cette absurdité, nous imaginons souvent l'existence d'un principe nouveau et inintelligible qui relie les objets les uns aux autres et s'oppose à leur interruption ou à leur variation. Et nous pouvons noter en outre que, lorsque nous ne créons pas cette fiction, notre tendance à confondre l'identité et la relation est si grande que nous sommes portés à imaginer un quelque chose d'inconnu et de mystérieux qui unisse les parties en sus de leur relation; c'est le cas, je pense, de l'identité que nous attribuons aux plantes et aux végétaux. Et même quand cette imagination n'intervient pas, nous sentons encore une tendance à confondre ces idées, bien que nous soyons incapables de nous satisfaire pleinement sur ce point et que nous ne trouvions rien d'invariable ni d'ininterrompu pour justifier notre notion d'identité.

 

1) d'un côté, nous avons une idée de diversité, qui nous sert à parler des objets (ou perceptions) qui sont différents, et/ou qui existent successivement, ou qui ont entre eux une relation (même étroite), comme par exemple la ressemblance

2) de l'autre, nous nous servons de l'idée d'identité, qui désigne un seul, un unique objet, malgré les variations qu'il subit.

Pour Hume, nous avons seulement affaire, nous l'avons vu, à des objets ou perceptions différentes, il n'y a jamais aucun objet ou impressions simple et invariable. Ie : si des perceptions (différentes par définition) se suivent l'une l'autre, même si elles se ressemblent, si elles se suivent d'une manière assez stable et constante, on ne devrait pas dire qu'elles forment quelque chose d'identique, mais qu'elles sont une diversité.

Or, que se passe-t-il? Dans le train de la vie quotidienne, nous ne faisons pas assez attention à cette diversité : nous sommes plutôt entraînés à confondre la première idée avec la seconde, à croire que c'est la même chose. (Car nous n'avons ni besoin ni vraiment le temps de réfléchir à ce qui se passe). Ainsi croyons nous facilement et comme irrésistiblement que la succession d'objets ou de perceptions différentes, qui ont entre eux une certaine relation, est en fait un unique objet, invariable, ininterrompu, simple, etc.

Les deux idées ont donc sur l'esprit le même effet : il ne voit pas, psychologiquement, la différence. Pour Hume, nous sommes faits de telle sorte que l'idée de diversité produit sur nous le même effet que celle d'identité : "la relation facilite la transition de l'esprit d'un objet à un autre et rend son passage aussi égal que s'il contemplait un seul objet continu".

Là où réellement nous avons affaire à des objets différents mais reliés entre eux, nous croyons toujours avoir affaire à quelque chose d'identique. Hume parle à ce propos d'un "penchant de l'imagination" : autre façon pour lui de parler de "nature humaine".

Thèse naturaliste : pour lui, nous sommes faits de telle sorte que nous ne pouvons faire autrement que de croire à l'identité. C'est un penchant universel contre lequel nous ne pouvons rien faire. La nature nous impose certaines croyances et il serait vain d'essayer de ne pas les avoir. Mais, c'est de l'ordre de l'inclination, de la croyance, de l'habitude , mais ça ne correspond à rien dans le réel : c'est injustifiable, non rationnel. Seul moyen de dire que ça l'est : ça sert à nous adapter au monde qui nous entoure (sans doute avantage de la sélection naturelle).

Résumé de l'argumentation :

(1) tout ce dont nous sommes conscients (série de perceptions) est variable et interrompu

(2) mais on pense/croit qu'il y a quelque chose d'autre (la substance) qui demeure invariable et ininterrompu à travers ces changements; les accidents qui inhèrent dans cette substance changent, alors que la substance demeure une et la même

La notion de substance est donc invention (car tous les objets que nous considérons comme ayant une identité continue ne sont en réalité rien d'autre que des successions de perceptions reliées entre elles par la ressemblance); Inintelligible (car rien n'y correspond) et non nécessaire (car c'est une opération de la pensée qui remplace la fonction de la substance : le passage de la pensée le long d'une série de perceptions reliées mais différentes est si régulier et sans effort que nous le confondons avec une vision continue du même objet)

 

d) Hume nous a expliqué comment, selon lui, il est possible que nous ayions un sentiment (celui de l'identité) qui pourtant ne correspond à rien de réel. Mais c'est un compte-rendu général, qui vaut de toute chose (Hume a fait un compte-rendu de la genèse de la notion d'identité en général). Voyons maintenant comment cela peut rendre compte de notre sentiment d'identité personnelle, donc, de l'identité que nous ressentons à l'égard de nous-mêmes.

Comment en venons nous à dire que nous sommes un seul et même homme, que, par exemple, l'adulte que je suis est cet enfant qu'on me montre en en photo, et qui certes, peut me ressembler, mais semble différent de ce que je suis aujourd'hui (au moins par la taille); ou que par exemple que moi qui aujourd'hui déteste les épinards les adorait hier (perceptions différentes), ou moi qui aime Mozart et me rappelle l'avoir toujours adoré, ou qui me rappelle avoir déjà entendu telle musique (perception ressemblante à celle que j'ai actuellement) ; ou que moi qui ne me rappelle plus où j'étais ni si j'étais à certains moments, suis pourtant une seule et même personne existant de façon continue, et n'ayant pas cessé d'être durant ces intervalles ou oublis?

Rappelons ce qu' a dit Hume à propos de la nature de l'homme, du moi, ou de la conscience : il s'est débarrassé de tout sujet : nous ne sommes qu'un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité incroyable… Tous les évènements qui nous arrivent existent de façon discontinue, ie, sont variables, et cessent à chaque moment d'exister, pour laisser place à un autre.

Nous devrions donc avoir de nous-mêmes une idée de diversité et dire que nous sommes multiples, différents à chaque moment, jamais le même. Or, c'est tout le contraire qui se passe : nous croyons, ou sentons, avons le sentiment, d'être une seule et même personne tout au long de notre vie. Comment en venons-nous à croire que nous sommes un "moi", une substance?

Hume dirait qu'il faut faire appel, certes, à l'imagination, mais aussi, à deux des relations naturelles qui servent à l'homme à relier entre elles les perceptions différentes. Ces deux relations sont celles de la ressemblance et celle de la causalité, et tout autant sinon plus que l'imagination, elles font appel à la mémoire.

Mais qu'est-ce que ça signifie de dire que nos perceptions se ressemblent?

C'est qu'elles nous apparaissent comme ayant un certain lien entre elles, ie, comme étant "reliées" : on comprend, après analyse ci-dessus, que la différence ne soit pas, pour notre esprit, apparente. La différence entre nos perceptons ou évènements est à peine sentie.

Mais ici, il s'agit de l'esprit : cela signifie que nous nous souvenons de certaines perceptions passées, qui ont un lien avec les perceptions présentes

Mais cela ne suffit pas à rendre compte du sentiment d'identité que nous avons à l'égard de nous-mêmes. En effet, repartons du fait que nos perceptions, certes semblables,ou ressemblantes, existent de façon discrète et interrompue : on voit bien alors que la ressemblance n'est pas assez, car nous ne nous souvenons pas de tout ce qui arrive. Il y a des vides, des intervalles, au sein de cette relation, si bien que nous ne pouvons pas encore être amené à la prendre pour relation d'identité. Pourtant, il faut bien en rendre compte, il faut trouver ce qui comble les intervalles, car nous disons bien que l'abscence de souvenirs ne signifie pas que nous avons cessé d'être dans ce "trou" de la série de perceptions reliées entre elles par lien de ressemblance.

Hume fait alors appel au lien de causalité : c'est lui qui fait tout le travail. ¨Par lien cause à effet, en effet, nous pouvons faire de la relation encore assez lâche, une unique chaîne causale, un seul et même être persistant à travers le temps. En effet, par cette relation, nous pensons à nous-mêmes comme existant durant les intervalles, ie, pendant moments dont nous ne souvenons pas.

Bref : l'esprit glisse facilement, de nouveau, le long d'une unique chaîne causale, et par là, nous mène à supposer que les "membres" de la chaîne dont nous ne nous souvenons plus ont néanmoins existé durant ces intervalles.

Par suite, en vertu de a) et b) on croit qu'on a effectivement affaire à des objets persistants, non à des perceptions variables et discontinues, à un moi. On est porté à croire que quelque chose unit les parties, en plus de la relation.

 

Hume nous dit bien que c'est une tendance universelle de la nature humaine, contre laquelle nous ne pouvons pas faire grand-chose. Mais ce qui est impardonnable, c'est que les philosophes croient que ce qui n'est que croyance, une tendance de l'imagination, est justifié (alors qu'ils ne font que baptiser alors d’un nom savant la fiction qu’est le moi. On l’appelera "âme", "moi", "substance

 

Conclusion :

La conséquence philosophiquement la plus grave de notre tendance à confondre l’unité et la diversité, c’est qu’elle nous conduit donc à postuler l’existence d’entités mystérieuses qui seraient le "moi", la "conscience profonde", le "for intérieur".

Hume, a donc dans ce texte, critiqué de façon incisive les postulats des philo de la conscience (par exemple : la saisie immédiate de ses propres pensées, le moi qui existerait au-delà des impressions qu'il a), en montrant que la conscience n'est pas première, mais construite, ie, qu'elle n'est pas une réalité, mais une fiction.

Mais, la critique humienne de la substantialité et de la saisie intuitive du moi n'apparaît plus dans ses écrits après le TNH : c'est qu'elle est trop technique, qu'elle dépend trop de ses principes empiriques. Ie : il faut adhérer à sa doctrine essentielle selon laquelle tout ce qui existe, ce ne sont

que des impressions atomiques différentes et discernables, ou à la thèse aempirique essentielle selon laquelle un objet n'est que la somme de ses propriétés. Ce serait en fait quelque chose d'a priori,

Mais surtout, si nous sommes des êtres humiens, ne sommes-nous plus des êtres humains? Notre vie n'a-t-elle plus aucun sens?

Cf. l'histoire du "Marin perdu" dont nous parle le neurologue Sacks dans L'homme qui prenanit sa femme pour un chapeau.

Le marin perdu dont nous parle le neurologue s'appelle Jimmie. Il souffre d'une extrême et exceptionnelle perte de mémoire immédiate : tout ce qu'on peut lui dire ou lui montrer a toutes les chances d'être oublié en l'espace de quelques secondes. C'est donc un homme complètement désorienté dans le temps.

Exemple : le médecin pose sa montre sur son bureau; la cache; et lui demande de s'en souvenir. Après une minute de conversation, il lui demande "qu'ai-je mis sous la nappe?" -Jimmie ne se souvient de rien. Les traces qui se déposent dans sa mémoire s'y effaçent donc en l'espace d'à peine une minute. Les seules choses qu'il sait faire (calculs, etc) sont celle qui peuvent se faire en un clin d'œil.

C'est donc un homme sans passé ni avenir, enlisé dans un moment constamment changeant, vide de sens.

Question que se pose le médecin : peut-on parler d'existence dans le cas d'une abscence de mémoire et de continuité aussi radicale? Or, n'est-ce pas exactement ce qu'on peut objecter à la conception humienne du moi?

 

Il cite d'ailleurs Hume, qui lui sert à montrer ce que peut bien être une vie déconnectée. Jimmie est bien, pour le médecin, l'incarnation même de la chimère philo de Hume. Toutefois, et cela montre bien les limites de la thèse humienne, si des êtres "humiens" peuvent exister, comme nous l'atteste Jimmie, le marin perdu, ce sont des cas pathologiques : on parle en effet de troubles graves quand on vit dans un univers d'impressions isolées, comme l'est l'univers de l'homme humien.

En effet, son amnésie est qualifiée de "fossé insondable dans lequel tomberaient tout événement, toute expérience, absolument tout, un abyssal trou de mémoire qui engloutirait le monde entier". Cet homme s'est perdu lui-même, il a perdu le "soi".Ce n'est plus un être humain comme tel, une personne : cf; fait que cet homme ne peut pas savoir ce qui lui arrive, pour la simple raison qu'il n'y a justement personne pour le savoir.

Exemple : "comment vous sentez-vous?"

J : "je ne peux pas dire que je me sente malade, ni que je me sente bien; je ne sais pas si j'éprouve quoi que ce soit"

 

Bref : cet "homme" ne peut agir, être, éprouver, sa vie n'a aucun sens, aucun but.

Cela peut avoir des conséquences morales très graves : si à chaque moment on est différent, une personne différente, alors, de quel droit me condamner si j'ai perpétué un crime? Il n'y a même pas de "je", de "moi", qui permette de dire que c'est "moi" …

 

Transition

Devant l'échec de la thèse humienne, faut-il revenir à la thèse du moi substantiel cartésien?

En effet, Descartes ne répondrait-il pas à Hume que si nous sommes des collections de qualités changeantes et évanouissantes, sans substance ou moi substantiel sous-jacent, alors, nous ne sommes plus rien du tout (en tout cas, notre vie n'a plus aucun sens, ce n'est plus une vie humaine à proprement parler)

On le voit avec l'exemple du Marin perdu : le problème de la conscience a à voir avec la cohérence de notre expérience. Sans elle, sans quelque chose comme l'unité d'un Je, que sommes-nous donc?

Le problème c'est qu'on a bien compris ce qui gênait Hume dans les théories substantialistes de la conscience : c'est qu'elles localisent les conditions de l'identité personnelle dans quelque chose d'invérifiable (ie : il faut pouvoir prouver, pour y adhérer, que âme=substance immatérielle)

Mais peut-être n'est-on pas obligé d'adhérer à la thèse selon laquelle la référence de toutes nos idées à la première personne serait un certain moi immatériel, une entité simple, afin de soutenir la thèse de la nécessité/spécificité du Je? (ie, d'identifier ce je avec un moi).

Mais évidemment cela paraît bien être très difficile : comment peut-on rendre compte du fait que je dise que je suis le même homme que quand j'étais enfant, sans cette mystérieuse entité? Car je ne me rappelle ni les pensées que j'avais alors, ne ce que j'ai fait : alors, où se trouve de quoi assurer la continuité, si pas cette substance?

C'est ce que va nous montrer Kant : l'existence d'un point de vue subjectif, sous lequel nous regroupons ce qui nous arrive, n'implique pas qu'il existe un sujet personnel qui pré-existe à ses attributs (cf. cogito, inférence invalide), un ego métaphysique, qui préserverait l'identité.

Bref : depuis Kant, l'inéniminabilité du point de vue personnel ou subjectif, n'implique plus l'existence d'un moi substantiel.

 

B- KANT, CRPure, Esthétique transcendantale, §8, Remarque 2 et Réfutation de l'idéalisme, p. 205 (Ed. PUF) : la conscience n'est plus une intériorité pure et n'a donc rien de privilégié

La critique de la notion cartésienne de conscience qui est plus à la mode aujourd’hui, et sans doute moins technique, est celle selon laquelle cette conception repose sur un mythe, celui de l’intériorité. Selon nous, Kant et Husserl ont chacun à leur manière (et à leur époque) inauguré cette critique.

Hume, s’il n’a pas vraiment dirigé sa critique contre cette prétendue intériorité de la conscience, aurait pu pourtant le faire. En effet, nous avons bien vue que pour lui, quand on essaie de se penser soi-même, tout ce à quoi on a accès, ce n’est jamais à un moi pur, débarrassé de ses oripeaux psychologiques, contrairement à ce que suppose Descartes, mais toujours à des représentations, ce que Hume appelle dans son langage technique des impressions.

Kant explicite ce qu'avait entrevu Hume sans le dire explicitement (cf. fait que quand on se saisit soi-même, on ne se saisit pas comme pure conscience, mais comme conscience de quelque chose). Pour Kant, le fait que la conscience soit quelque chose de subjectif, qu'on vit sur le mode de la première personne, n'implique nullement qu'elle soit synonyme d'intériorité : comme le dira plus tard Husserl, il va dire que la conscience de soi n'est pas possible à part des choses hors de moi. (si pas de moi ou de substance pensante, alors, pas non plus, chez Kant, d'intériorité sans extériorité).

Ainsi, on continue certes à parler d'un privilège de la conscience par rapport aux animaux, certes; mais certainement pas par rapport au monde extérieur, au corps. La conscience, ce n'est ni une entité, ni quelque chose de privilégié d'un point de vue épistémique, mais, c'est tout simplement ce qui permet à l'homme d'unifier toutes ses représentations, tout ce qui lui arrive, et de se distinguer du monde extérieur en rapportant à lui-même tout cela. On le voit, la conscience n'est plus une entité mais une fonction.

 

1) L'argument kantien de la réfutation de l'idéalisme : quand j'ai conscience de moi, j'ai en même temps conscience de la relation à quelque chose en dehors de moi.

Argument :

(1) j'ai conscience de mon existence comme déterminée dans le temps

(2) toute détermination de temps suppose quelque chose de permanent dans la perception

(3) le permanent ne peut être une intuition en moi car je n'ai conscience que de représentations, donc, de quelque chose qui est pris dans le temps

(4) il doit donc y avoir quelque chose qui n'est pas moi, et qui permet de fixer un critère de modification temporel

(5) il doit donc y avoir des choses hors de moi, et je dois pouvoir les percevoir.

Signification : la conscience que j'ai de moi-même est donc immédiatement conscience des choses hors de moi. Ou : l'expérience extérieure est une composition de l'expérience intérieure. Les deux modes de conscience, ou deux manières que nous avons de nous rapporter au monde (en rapportant évènements à soi même ou au monde extérieur) sont deux pôles ou aspects d'une expérience unique : bref : pas d'expérience purement intérieure; pas de scission entre un monde extérieur et un monde intérieur. Donc, contre Descartes, je ne peux assumer à la fois la réalité de l'expérience interne et douter des expériences ou du monde extérieur; au contraire, si je doute de ce monde extérieur, je ne peux avoir accès à moi-même.

Non seulement

a) je ne peux exister seulement comme sujet pensant, mais encore,

b) mais encore, les contenus du sens interne ne sont rien qui lui serait propre. Ce qui donne un contenu à toutes nos représentations, c'est toujours quelque chose à l'"extérieur" de moi (si tant est qu'on peut encore parler d'extérieur car ce terme n'a de sens qu'en rapport à son opposé). La diversité qu'il se représente, n'est autre que celle du sens externe.

Kant,CRPure, B 67 : "les représentations du sens externe constituent le matériau propre avec lequel nous occupons notre esprit".

 

 

D'où : ce n'est pas du tout à l'âme ou au moi que j'ai affaire avec lui; tout ce à quoi j'ai affaire, c'est à des représentations; donc, pas de privilège du sens interne, puisque aucune diversité par lui-même Le seul privilège du sens interne, c'est donc bien que par lui, on réfère nos représentations à nous-mêmes, on dit qu'elles nous appartiennent. Le sens interne, c'est la conscience de mes contenus de conscience comme m'appartenant.La conscience n'est donc, par rapport à Descartes, ni une entité mystérieuse, une substance pensante, mais encore, elle ne bénéficie plus de cette immunité spéciale par rapport au monde extérieur.

 

2) Apport essentiel par rapport à Descartes : vers un dépassement de l'intériorité.

Une conscience vide de tout contenu vers lequel se diriger est impossible. Ce qui a pour conséquence que la conscience n'est sans doute plus immunisée du doute cartésien. Car si la conscience n'est plus un "îlot", ie, une intériorité pure, alors, en conséquence, plus elle n'est plus une immédiateté pure.

Ainsi, qu'en est-il de la connaissance introspective? Elle ne porte pas sur autre chose que sur les objets connus, même si elle n'est pas à proprement parler une connaissance de ces objets eux-mêmes, mais de la connaissance que j'en ai, et de moi-même en tant que je fais l'expérience de quelque chose d'extérieur à moi.

Exemple : comment sais-je que a me semble moins long que b? (cas typique d'une connaissance portant sur ma connaissance, d'une conscience de ma connaissance, de moi-même, etc.). Pour le savoir, Descartes dirait que je vais regarder à l'intérieur de moi-même grâce à une sorte d'œil intérieur, le "sens interne". Nous, nous répondrions, car nous ne sommes plus cartésiens n'est-ce pas, que l'on ne regarde pas en nous, ie, nos pensées, mais A et B, ie, les objets dont je fais l'expérience.

Que nous dit cet exemple? Que la connaissance introspective n'a rien de mystérieux : certes, c'est bien une connaissance des faits mentaux en première personne, mais cela, via une attention aux objets extérieurs. Elle n'est, comme on l'a vu avec Kant, qu'une façon d'avoir des représentations : le fait que je puisse penser mes pensées n'implique pas l'existence d'une seconde pensée, qui se surajouterait à ce que l'on pense. L'introspection n'est pas une connaissance de notre esprit, ie, ce n'est en aucun cas l'expérience d'une entité (le moi pensant). Le philosophe a tendance à oublier, par conséquent, que la métaphore de la pénétration en soi-même … n'est justement qu'une métaphore!

 

Conclusion

1) la relation sens interne ou conscience/certitude est moins immédiate et fondamentale, voire fondationnelle, que l'a prétendu la philo moderne depuis Descartes

2) la notion forte de sens interne qui a découlé de sa philo suppose la description d'entités et d'événements intérieurs, d'un monde subejctif pur : bref, qu'il y a quelque chose de purement interne.

Ainsi, c’est tout le projet d’une psychologie de l’intériorité pure ou égologie transcendantale descriptive, qui est en question (ie : une psychologie qui serait basée exclusivement sur l’expérience interne).

L'intériorité n'est donc qu'un mythe. Ne sommes-nous pas, avant d'être de pures consciences, des êtres vivant avec d'autres êtres, dans une société, etc.? Le monde "public" ne serait-il pas plus réel que le monde "privé"? (Suite directe de ce cours : Autrui; intermédiaires : l'inconscient, les passions)

Annexe : Etude d'un texte de Kant, issu de Anthropologie du point de vue pragmatique, I, 1: La conscience comme fonction.

Introduction : le transcendantal

Kant se considère lui-même comme un héritier de Hume (il dit que ce dernier l'a en effet "réveillé de son sommeil dogmatique"). Hume a en effet humilié le rationalisme dogmatique des philosophes qui le précédaient, en leur montrant que ce qu'ils croyaient fondé en raison, justifié, ne l'était pas, mais était soit une illusion, soit une habitude, une accoutumance (exemple : notions de substance, de causalité). Nécessité sans raison (nécessité : on pense tous comme ça, c'est un fait; mais ce n'est que par une certaine accoutumance, ce n'est pas rationnel, c'est de l'ordre de la croyance)

Seulement, si Kant loue Hume d'avoir fait ça, il se pose aussi comme l'adversaire de Hume : ce qui chez Hume reste injustifié du point de vue rationnel, va chez Kant recevoir une justification. Là où Hume invoque la tendance de la nature (humaine), on a chez Kant le mot de "transcendantal" : c'est-à-dire que ça devient pour lui quelque chose qui fait partie de la structure de l'esprit humain, et qui rend l'expérience possible (donc, c'est nécessaire, et justifié, car sans ça, aucune expérience ne saurait être possible). C'est quelque chose qui fait que le monde peut mériter l'appellation de monde, avoir une cohérence et une unité. Ainsi réhabilite-t-il les notions de substance, de causalité, etc., mais, dans un sens transcendantal.

 

Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, I, 1.

"Posséder le Je dans s a représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, ie, un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise; et ceci, même lorsqu'il ne peut pas dire Je, car il l' a dans sa pensée; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas en un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant, qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.); et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant, il ne faisait que se sentir; maintenant, il se pense."

 

 

Commentaire

 

Introduction du texte

Texte dans lequel la conscience de soi est pensée en termes de "pouvoir", et définie comme la condition de possibilité de toute représentation.

Thèse : la conscience de soi donne à l'homme sa dignité.

 

Trois arguments établissent cette thèse :

     

  1. ce pouvoir de la conscience de soi est le privilège de l'homme, et fonde sa supériorité sur les autres vivants

     

  2. conséquence : il est une personne d'un rang et d'une dignité incomparables aux objets, en raison de sa capacité de penser

     

  3. le passage chez l'enfant au stade de la pensée (contemporain de l'usage linguistique de la première personne du singulier) introduit un changement décisif dans son développement. Ce qui est premier selon l'ordre des valeurs, est second selon l'ordre chronologique.

 

A) La possession du Je est un privilège humain.

Kant montre ici que posséder le Je dans sa représentation est un pouvoir.

Le pronom personnel Je a ici la forme d'un substantif, et qui plus est, d'un nom propre. Le Je exprime et désigne la conscience de soi.

 

1) Fonction du Je : le Je est la condition de possibilité de toute représentation.

Non seulement : la représentation suppose la conscience (il n'y a de représentation que pour un sujet qui en est conscient), mais encore : les représentations "données dans une intuition ne seraient pas toutes ensemble mes représentations si elles n'appartenaient pas toutes ensemble à une conscience de soi" (CRPure). Ie : la conscience de soi se constitue comme pouvoir d'unification et de synthèse du divers (préciser ce qu'est le divers : les expériences, ce que je perçois).

 

Conséquence : transcendance du Je :

Ce qui rend possible la représentation ne saurait être, en effet :

-ni une représentation,

-ni un élément de l'ensemble des représentations,

-et n'est pas non plus donné dans une intuition sensible

-ni dans une intuition intellectuelle

La condition transcende ce qu'elle rend possible (le fondement ne peut logiquement être du même ordre que ce qu'il rend possible). Exemple : si le je était un élément du tout, il ne pourrait s'élever à la pensée du tout.

Ainsi, le Je est à la fois transcendant (supérieur aux choses) et transcendantal (indépendant de l'expérience), et il se distingue radicalement du Je empirique (saisi dans l'expérience sensible).

 

-Conséquence de ce pouvoir : l'homme est une personne. ( "par là, il est une personne").

L'argument se dédouble :

 

a) le Je, sujet logique :

L'homme est une conscience de soi qui subsiste par-delà le divers des représentations, qui en assure l'unité par-delà la pluralité des expériences et l'identité en dépit des changements qui lui arrivent.

 

b) Le Je, sujet moral :

C'est dans la mesure où il est conscience de soi et ce faisant, sujet logique, que l'homme est aussi sujet moral. En effet, afin d'être un sujet moral, il faut qu'on puisse être responsable de nos actes : la condition pour cela, c'est bien de pouvoir se représenter soi-même comme un sujet unique et permanent.

 

c) Eminence de la conscience :

En tant qu'il est sujet à la fois logique et moral, l'homme occupe dans l'univers le premier rang. La conscience de soi est donc ce qui élève l'homme au-dessus des lois de la nature, l'en émancipe. D'abord, comme sujet logique : il est bien hors rang puisqu'aucune des représentations ne peut être ramenée à ce qui en est la condition. Ensuite et surtout comme sujet moral : il ne peut être, contrairement aux choses, quelque chose dont on peut user à sa guise.

Cette émancipation est donc ce qui fait la dignité de la personne. En effet, la personne s'oppose ici aux êtres vivants dépourvus de raison (les animaux) mais surtout, aux choses; être une personne, pour Kant, c'est ne pas être une chose ; or, les choses sont relatives, et ne peuvent avoir une dignité; Kant dit qu'elles ont un prix : on peut les échanger les unes contre les autres, en donner un équivalent (les acheter, etc) (on peut toujours remplacer une chose par une autre).

Par contre, si les choses de la nature sont seulement des moyens, si je peux m'en servir à ma guise, en faire ce que je veux, les personnes ne peuvent subir ce même traitement. Elles ont, non un prix, mais une dignité, un valeur en soi. Ie : la personne est en elle-même une fin, et ne peut jamais être utilisée (seulement) comme un moyen.

Pourquoi? Tout simplement parce que pour Kant, la personne, en tant qu'être humain conscient de ses actes, est capable d'en répondre, et fait que l'homme devient un sujet responsable : et par là, il est capable de mesurer ces actes à des droits et des devoirs (ie : la personne est un sujet porteur de droits et de devoirs); par là, elle porte en elle quelque chose qui limite la faculté d'agir comme bon nous semble à son égard : la raison (l'humanité, ce qui est commun à tout homme) ou encore, pour Kant, la moralité. Si raison et moralité vont de pair et font la dignité de la personne, c'est parce que par la raison, l'homme est capable de s'abstraire de ses intérêts personnels, de ses penchants immédiats, afin de prendre sur ses actions un point de vue universel (qui vaut non seulement pour moi, mais pour tout homme en tant qu'homme ou en tant que doué de raison). C'est donc la moralité qui fait qu'un être raisonnable est une fin en soi, car ce n'est que par elle qu'il est possible de participer à l'établissement de lois universelles (qui, si elles formaient un autre règne que celui de la nature, serait le "règne des fins"). Le fait que la personne, ou l'humanité, soit toujours pour Kant une fin en soi, met donc en relief l'obligation de ne jamais violer, sous aucun prétexte, le respect dû à la personne humaine Bref : ce qui a de la dignité, c'est l'humanité, en tant qu'elle est capable de moralité

Contrairement, nous dit Kant, aux animaux (en cela, il s'oppose à Hume, pour qui, au contraire, le problème de l'identité personnelle renvoyait au même traitement que celui qui s'appliquait aux plantes ou aux animaux-mais, justement, chez Hume, pas de personne). Ici, problème : peut-on vraiment en disposer "à sa guise"? En fait, ailleurs, Kant est plus mesuré. Il ne croit pas vraiment que les animaux sont des choses comme les autres. Contrairement à Descartes, il croit plutôt à une spécificité de certains organismes, les êtres vivants, qui ne sont pas de vulgaires machines (CFJ). Cf. fait que Kant définit la vie comme "faculté d'agir d'après la représentation d'une fin", ce qui est l'analogon de la liberté. Pour Descartes, on peut réellement faire ce qu'on veut des animaux, puisqu'ils ne souffrent pas : ainsi, pas de différence entre l'animal qui crie sous les coups de scalpel, et entre le son que font les aiguilles d'une montre quand elles sonnent l'heure. Mais, quand on reconnaît au moins que les animaux, qui, s'ils sont des êtres naturels, et non des "personnes", ne sont pas des choses inertes comme les pierres, on ne peut pas faire ce qu'on veut des bêtes. La réalité de leur capacité à souffrir, si elle ne fait pas d'eux des êtres de droit, créé au moins des devoirs pour l'homme. Nous avons, dit Kant, certains devoirs (même s'ils sont indirects, en tant qu'ils ont une signification pour ou à propos de notre humanité à nous) envers elles :

"parce que les animaux sont un analogon de l'humanité, nous observons des devoirs envers l'humanité quand nous les regardons comme analogues de cette dernière et par là, nous satisfaisons à nos devoirs envers l'humanité"

 

Parce que le vivant entretient un rapport d'analogie avec ce qui nous constitue comme êtres humains, il fait ou même doit faire l'objet d'un certain respect, celui qu'à travers tous les animaux nous nous témoignons à nous-mêmes. Bref : si les hommes sont des êtres "hors nature", par le fait qu'ils sont seuls des personnes, alors, certes, ils peuvent disposer à leur guse des plantes et des animaux, mais, "dans une certaine mesure", ie, pas à volonté (par exemple, on ne leur infligera pas des blessures inutiles) car les animaux ne sont pas des choses comme les autres.

 

B- La conscience de soi qui consiste à posséder dans sa représentation le Je transcendantal, est un acte de l'entendement.

Que les langues aient ou non dans leurs catégories grammaticales le pronom personnel je, elles ne peuvent se dispenser de penser le Je. Car penser le Je, c'est la condition de la pensée et celle du langage. (Kant rompt ici avec conception instrumentaliste du langage : le langage ne sert pas à penser, mais il a pour fonction de penser. Il est un acte de l'entendement qui implique la conscience de soi en tant que pouvoir unificateur du divers. )

 

C-Analyse de la formation du Je chez l'enfant : dire "Je", ou le passage à la pensée.

L'usage du Je correspond à un progrès irréversible dans la maîtrise du langage. Lorsque l'enfant se désigne à la troisième personne ou par un nom, il se confond avec toute chose extérieure. Alors qu'un nom peut s'appliquer à une pluralité d'objets, le je ne désigne que la personne qui l'énonce, c'est pourquoi il a le statut de nom propre. La formulation du Je assure donc l'apparition du sujet en tant que tel. Mais, ce point de vue diachronique n'invalide en rien l'idée que Je est dans sa pensée "même lorsqu'il ne peut pas dire Je" (ie : la dignité de la conscience de soi précède sa manifestation) Le passage du sentiment de soi à la conscience de soi constitue dans le temps un passage décisif. Il annonce un autre passage qu'il est convenu d'appeler l'âge de raison. Si l'enfant n'a pas encore l'âge de raison, il entre dans un ordre que lui-même institue et rompt avec la nature. (Pour l' enfant, une lumière se lève quand il dit je : il se pense et pense le monde, ce qui n'a rien à voir avec sentiment confus de l'animal)

 

Conséquences de ce texte

a) Ici, Kant dit, contrairement à Hume, que la conscience comme identité personnelle n'est nullement une illusion. Au contraire, on n'a plus affaire à une tendance, mais à ce sans quoi l'expérience n'est plus (cf. dernière phrase qui n'est pas dans notre extrait : "(le temps de l'enfance le plus reculé où ne peut plus avoir accès) n'était point le temps des expériences, mais le temps des perceptions dispersées").

Exemple : sans cette unité du je qui accompagne nos représentations, nous ne pourrions plus nous orienter dans le monde, et il n'y aurait même plus de monde, ou le "même" monde, mais un conte de fées où les citrouilles deviennent carrosses.

Ainsi pour Kant, l'homme humien, sans point de vue central ou unifiant qui puisse unifier tout ce qu'il perçoit (que ce soit en lui ou en dehors de lui) n'est pas une personne, et ne mérite donc pas le qualificatif d'humain. Il est nécessaire que l'homme se conçoive lui-même comme un être persistant à travers le temps : c'est à ça que sert le "je" : à unifier, synthétiser, mon expérience.

C'est une condition nécessaire de l'expérience, et qui dit condition nécessaire dit "hors de l'expérience"; c'est ce qui accompagne toute conscience, ce qui fait que notre vie n'est pas un chaos, est un monde, et nous avec. La conscience de soi est ce qui fait à la fois qu'il y a une personne et un monde cohérent. On a besoin d'une conscience identique, mais, ce n'est pas au sein de l'expérience qu'on va pouvoir la trouver, puisque c'est la condition même pour qu'il y ait expérience. C'est une question transcendantale et non empirique.

Ainsi Hume, en cherchant dans l'expérience le "moi", se privait par avance de le trouver (puisque le je identique à travers le temps est la condition même pour qu'il y ait un dehors, comme la lumière est ce qui rend visible, mais n'est pas visible… )

Mais cette objection vaut aussi pour Descartes. En effet, ce dernier n'a pas vu non plus que le caractère déterminant de l'acte de penser fait que l'activité conceptuelle à travers laquelle l'esprit représente un objet, ne peut lui être donnée comme objet, et que donc, la conscience de l'acte de pensée est toujours incapable de s'atteindre comme objet. Le fait de se savoir pensant, d'être conscient de soi, et d'être un Je identique, n'implique pas qu'on puisse avoir accès, apercevoir, ce qu'on est, ie, faire comme si ce sujet logique était un sujet réel (ou l'unité logique une unité réelle). Pour Kant, le cogito n'est rien d'autre que le je pense qui doit accompagner toutes mes représentations, et est seulement un sujet transcendantal : ie, pure forme d'un sujet pensant.

b) Par conséquent, si certes la conscience n'est plus une illusion mais une condition nécessaire de l'expérience, ce n'est pas non plus la chose, le moi substantiel et métaphysique dont nous parlait Descartes. La conscience, ou sujet pensant, qui a la capacité de dire Je, de rapporter à soi ses représentations, n'est qu' une capacité, une fonction. On n'a pas besoin, pour sauvegarder l'unité, de supposer un moi, une substance mystérieuse, à laquelle renverrait ce je. La conscience, c'est tout simplement la continuité psychologique qui donne cohérence à la vie, et elle ne peut être décrite indép d'un point de vue subjectif.

Kant s'oppose donc à la fois à Descartes et à Hume; de Descartes, il garde la nécessité d'une identité ou persistance de la conscience, et le privilège qu'elle nous confère d'être un "moi", une personne; mais, de Hume, il garde aussi l'idée que la conscience n'est pas quelque chose, une "réalité", donc, de l'ordre de l'expérience.

Fin du cours


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