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Accueil > JeanMonnet>commentaire de texte rédigé : Platon
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Exemple de rédaction d'un commentaire de texte (Platon, La République, livre VII 518b-d)

page créée le 07/01/2004

 

 

Vous trouverez ici un commentaire de texte semi-rédigé. Attention, vous devez me dire, quand vous annoncez le plan du texte dans l'introduction, à quelles lignes du texte renvoient les paragraphes ou parties du texte et plus tard de votre développement (ce que je n'ai pas fait ici).

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- cours croyance, première partie

Platon, La République, livre VII 518b-d

(Socrate) : « il faut donc, repris-je, si tout cela est vrai, en tirer la conclusion que voici : c’est que l’éducation n’est point ce que certains prétendent qu’elle est ; ils prétendent en effet mettre la science dans l’âme, où elle n’est pas, comme on mettrait la vue dans des yeux aveugles.

Ils le prétendent en effet, dit-il.

Or, dis-je, le discours présent fait voir que toute âme a en elle cette faculté d’apprendre et un organe à cet usage, et que, comme un œil qu’on ne pourrait tourner de l’obscurité vers la lumière qu’en tournant en même temps tout le corps, cet organe doit être détourné avec l’âme tout entière des choses périssables, jusqu’à ce qu’elle devienne capable de supporter la vue de l’être et de la partie la plus brillante de l’être, et cela, nous l’appelons le bien, n’est-ce pas ?

Oui.

L’éducation, repris-je, est l’art de tourner cet organe même et de trouver pour cela la méthode la plus facile et la plus efficace ; elle ne consiste pas à mettre la vue dans l’organe, puisqu’il la possède déjà ; mais, comme il est mal tourné et regarde ailleurs qu’il ne faudrait, elle en ménage la conversion. »


INTRODUCTION

1) Contexte : il s’agit, dans le livre VII de La République, de l’éducation que doit (ou devrait) recevoir le philosophe destiné à gouverner la Cité idéale construite dans les livres précédents par le porte-parole de Platon, Socrate. Il faudra donc bien avoir en tête, dans la lecture du texte, que pour Platon, philosophie et éducation sont liées, et que nous sommes ici dans un contexte où l’éducation est envisagée philosophiquement.

2) Le thème de ce texte est explicitement celui de la nature de l’éducation.

3) La thèse de l’auteur est que l’éducation est une conversion de l’âme.

4) La problématique est celle de savoir si l’éducation consiste à apprendre à se servir de façon adéquate de sa faculté d’apprendre, ou bien (notons que c’est là la thèse réfutée par Platon) si elle consiste à “remplir” l’âme.

5) Mouvement général et articulations : le texte se présente comme un dialogue entre Socrate et un interlocuteur qui a pour rôle de nous amener progressivement à la découverte de la vérité, en voyant progressivement l’inanité des thèses admises. Socrate a le rôle de mettre en évidence, ou d’amener cet interlocuteur à admettre, les paradoxes qui se cachent en elles, comme on peut le constater dans notre texte.

D’abord, 1) dans le premier paragraphe, il s’agit de prendre conscience du fait que l’éducation, dont il s’agit de rechercher l’essence (ou la façon correcte de la penser, de la concevoir), ne peut être ce que l’on a coutume de dire qu’elle est. C’est une thèse seulement négative, qui ne dit pour le moment que ce qu’elle n’est pas. Le moyen dont se sert Socrate : une analogie avec l’organe de la vue.

Ensuite, 2) dans le deuxième paragraphe, Platon montre bien que la conception de l’éducation abordée en 1) était une fausse conception de l’éducation (erreur de principe), en se basant sur son système -puisqu’il s’interroge ici, afin de trouver quelle est la véritable conception de l’éducation, et afin de montrer que la conception précédente ne peut pas être valable, sur la nature même de la science, de laquelle va découler, comme une évidence, ce sur quoi doit porter par définition tout apprentissage.

Enfin, 3) dans le dernier paragraphe, Platon-Socrate nous donne la “bonne” définition de l’éducation, en revenant sur 1) et 2) (elle ne consiste pas à apprendre à voir, mais à mieux voir).

DEVELOPPEMENT


PREMIER PARAGRAPHE

On ne sait pas, ici, quelle définition de l’éducation a en vue Platon, mais on sait (comme on le verra dans le dernier paragraphe) qu’elle consiste à croire qu’éduquer quelqu’un, c’est “mettre la science (ce qui est appris) dans l’âme”, comme on met la vue dans l’organe.

A) Selon la conception de l’éducation que critique ici Platon, l’éducation consisterait donc à remplir l’âme de connaissances.

Le “où elle n’est pas” semble ici s’entendre comme étant, ou référant, au présupposé propre aux tenants de la thèse réfutée ici par Platon. En effet, il semble bien que ce que ne voient pas ces derniers, c’est que l’âme n’est pas une “table rase”, une tablette sur laquelle rien n’est par avance inscrit ou du moins prédisposé, “en puissance”, pour reprendre une expression aristotélicienne, puisque croire qu’éduquer consiste à remplir l’âme de connaissances (contenus) c’est bien croire que la science, comme il le dit, n’est pas dans l’âme.

L’âme serait donc entièrement vide, avant l’éducation entendue ici, il faut le noter, comme étant synonyme de, donc équivalente à, l’apprentissage. La conception que critique donc dans ce texte Platon, est celle que l’on peut qualifier de conception empiriste de l’apprentissage, puisqu’il s’agit bien de soutenir que tout ce qu’on apprend (l’objet “assimilé”) vient du dehors dans l’âme conçue comme réceptacle où n’importe quoi d’extérieur à cette âme peut y être assimilé, ou “entassé”. (C’est différent, notons-le, de la conception qui va être celle de Platon dans le deuxième paragraphe, puisqu’il va soutenir quant à lui qu’il y a des contenus conformes à l’âme par définition, qui sont son objet propre, celui par l’accès auquel, en quelque sorte, elle va se réaliser).

B) Afin de nous montrer l’inanité de cette conception, Socrate-Platon opère, pour le moment, une analogie avec la vision. Il ne soutient pour le moment pas de thèse ; il s’agit juste de faire voir à quel point cette conception suppose possible une impossibilité.

En quoi consiste cette analogie? Elle met en jeu quatre termes, à savoir : la vue, les yeux, l’âme, la science. La vue, c’est la faculté de voir, ou l’acte de voir, et les yeux (aveugles) sont l’organe par lequel la vue est possible. On peut dire que dans cette analogie, l’âme correspond aux yeux (organe) et la science, à la vue (faculté). Comme il est contradictoire, veut nous dire ici Socrate, que les yeux aveugles puissent être éduqués à l’acte de voir, à voir, puisqu’ils n’ont pas la faculté ou prédisposition à la vue, il est contradictoire de dire ou de croire que dans une âme qui serait vide, une “table rase”, qui n’aurait donc pas en elle la science, ou faculté de savoir, on pourrait lui faire acquérir ce contenu ou acte (bref : cela signifie qu’on ne peut commencer à apprendre, si on ne sait pas déjà ce qu’on cherche...).

Cette analogie montre donc bien l’absurdité d’une conception que nous avons appelée “empiriste” de l’éducation, puisque, en effet, si l’éducation consiste à mettre la science (contenu, acte, ou résultat du processus d’apprentissage) dans l’âme, alors, c’est comme si (en tout cas on présuppose que c’est possible) on disait que l’on peut mettre la vue (contenu, acte de voir) dans les yeux aveugles (organe pourtant atrophié et par définition incapable d’acquérir jamais la vue). L’analogie nous montre donc bien que ce qui ne va pas, dans la conception de l’éducation qu’il s’agit ici de critiquer, et de dépasser, c’est que cela revient à dire que dans une âme ne sachant rien du tout, on peut mettre de la science, ce que pourtant, par définition, elle ne sait pas.
Par conséquent, il semble bien que le problème de cette conception, en plus de ce que nous avons déjà dit, consiste à considérer comme éléments nécessaires à tout apprentissage, seulement l’organe et l’acte. En effet, on peut penser que si c’est absurde de dire que l’on met la vue dans des yeux aveugles, c’est à la fois du fait que :

a) on met quelque chose (acte) dans quelque chose de vide

b) ou d’inapte à recevoir cet acte (bref, qui n’est pas “apte à...”).

Disons que le problème de cette conception est que l’apprentissage serait trop brutal, ou trop soudain. Il manque bien, ici, comme on va le voir par la suite, la faculté de voir à l’oeil aveugle, et la faculté d’apprendre (Platon dira la “science”) à l’âme.

DEUXIEME PARAGRAPHE

Après l’exposition, sur un mode négatif et analogique, qui en fait bien voir les présupposés, de la conception de l’éducation qu’il s’agit de remettre en cause, Platon-Socrate passe ici, non directement à sa propre conception de l’éducation, mais à sa conception de l’âme -qui est ce qui va obliger à avoir une tout autre conception de l’éducation que la précédente. La question qu’il se pose ici est donc celle de savoir ce qui est nécessaire pour que l’apprentissage soit rendu possible, étant donné que dans le premier paragraphe, on la rendait impossible. Ici, il s’agit de se placer du côté du sujet qui apprend et/ou qui va être éduqué. Evidemment, nous avons déjà ici, en filigrane, sa conception de l’éducation, à travers son objet propre -qui fait aussi ici l’objet de son analyse.

A) Contre la thèse adverse, l’âme, sujet de tout apprentissage, a à la fois, ou contient :

a) une faculté d’apprendre : c’est-à-dire, une prédisposition, une puissance (elle est donc conçue comme étant capable d’avance de...). Ce qui présuppose qu’elle n’est pas vide de tout contenu. On se permettra donc ici d’interpréter ce passage comme signifiant que, plutôt que la science telle quelle est dans l’âme (pourtant, on pourra certes nous objecter que Platon soutient une thèse dite de la “réminiscence”), que si la science ne s’y trouve pas en acte, elle s’y trouve en puissance, et qu’il s’agit de la retrouver. Ce qui est nécessaire, donc, pour que l’âme puisse apprendre.

b) Un organe destiné à cet usage (“l’oeil de l’âme”) c’est-à-dire, pour apprendre.

On voit donc bien qu’apprendre ne consiste pas à remplir un réceptacle vide d’un contenu étranger ou extérieur. Le résultat, ou mise en acte (notons que l’éducation sera pour Platon, une véritable mise en acte) , c’est-à-dire, la science, est déjà “en puissance” dans l’âme. Et que par conséquent, pour bien comprendre en quoi consiste l’éducation, ainsi même que pour la rendre possible, il fallait ajouter, à l’organe, une faculté.

B) De nouveau, analogie avec l’oeil (ou la vue):

-d’un côté, on a l’oeil et le corps, et les termes “tourner vers” ainsi que le couple de contraires “obscurité” et “lumière” ; de l’autre, on a l’oeil de l’âme, et les termes “détourner de” ainsi que “choses périssables”, “être”, “partie la plus brillante de l’être”.

Que signifie-t-elle?

a) que l’éducation ou l’apprentissage ne consiste plus à aller du dehors vers le dedans, et à remplir l’âme d’un contenu. Il s’agit plutôt d’une conversion, ie, on va de l’âme vers le monde intelligible, ou la science, en se détournant du monde sensible.

b) Pour bien comprendre la signification de la thèse soutenue ici, nous devons recourir à l’explication de la conception de l’être platonicienne ; en effet, Platon nous met ici du côté de l’objet, de la science, qui est l’objet à apprendre, ou, l’enjeu véritable de l’éducation.

- Conception de l’être dans la République : il y a deux sortes d’être, dont l’une est à mi-chemin entre l’être et le non-être, et que Platon dénomme souvent “choses sensibles” ou “périssables” ; et il y a l’être véritable qui mérite vraiment le nom d’être, à savoir, l’essence immuable des choses, que Platon appelle les Idées. Enfin, au summum, il y a , comme on peut ici le voir, l’Idée du Bien, qui éclaire tout...

-Nous avons dit dans notre introduction qu’il s’agit, dans le livre VII de la République, du programme d’éducation du roi-philosophe. Or, ce qu’il doit chercher à atteindre, ou ce qu’on doit lui apprendre à atteindre, c’est ce qui est au sommet de la hiérarchie, l’être véritable, et l’Idée du Bien signifie sans doute l’éblouissement que la découverte de ces Idées crée en lui... (L’éducation est donc, pourrait-on dire, éducation à la philosophie, elle consiste à devenir philosophe, ou encore, elle est possible grâce à l’attitude philosophique, puisque chez Platon, c’est le philosophe qui est seul capable d’avoir accès aux Idées, à la “science”). C’est donc bien, comme nous le disions au début, d’un point de vue philosophique que Platon envisage ici l’éducation, ou, il nous en donne une définition philosophique.

Nous pouvons donc, après ce petit détour, répétons-le, nécessaire pour bien comprendre ce passage, noter, d’abord que ce n’est pas seulement la conception de l’âme qui va imposer sa définition de l’éducation, mais aussi, sa conception de l’être (de ce qui est à apprendre, ce qui est l’objet de la science) et des rapports âme et être ; et, ensuite, on voit que la question à travers laquelle Platon envisage l’éducation, est celle de savoir comment on atteint l’être véritable.

Etre éduqué, ou apprendre, consiste à savoir détourner son regard de l’être sensible et à être capable de voir l’être véritable, à supporter sa vue sans en être ébloui (cela réfère à l’éblouissement de la caverne).

c) L’éducation consiste donc en fait à se dégager de ses habitudes, à “désapprendre” à faire usage de son corps. C’est une totale conversion de tout notre être. Il s’agit en effet de savoir regarder ailleurs que là où on a l’habitude de regarder (de “devenir capable” : acquérir une disposition).

on était aveugle, on est devenu capable de voir = on a été éduqué.

-mais cela n’a pas consisté à mettre la vue dans les yeux aveugles, comme le disait Socrate en fin du premier paragraphe :

a) c’est l’âme elle-même qui a fait le travail
b) c’est une conversion
c) c’est la faculté qui de puissance, a été amenée à l’acte.

TROISIEME PARAGRAPHE

De cette conception de l’âme et de l’être (de ce qui est à connaître), Platon en déduit donc, dans le dernier paragraphe, la définition précise, et seule valable, selon lui, de l’éducation -définition qu’on dira, plus encore que “philosophique”, “métaphysique”, puisque dépendant d’une certaine ontologie...

Cette définition n’a plus rien à voir avec la conception d’où est parti -mais il s’agissait justement de voir en quoi elle n’était pas pertinente. Platon, en exposant sa définition, qui s’ensuit directement du deuxième paragraphe, fait d’ailleurs un retour au premier paragraphe, afin de confronter directement les deux thèses en présence.

L’éducation est donc :

a) art de tourner l’organe de l’âme (conversion)
b) de trouver pour cela la méthode la plus efficace et la plus facile

Elle n’est pas (la mise en évidence par thèse opposée est en fait une explicitation, ie, elle revient à donner la raison pour laquelle l’éducation est...) :

c) mettre le vue dans l’organe
d) car elle “la possède” déjà (nous avons déjà expliqué plus haut cette thèse).
e) la nécessité de l’éducation vient donc, non de ce que l’organe est vide (ce n’est pas sur un organe dépourvu de faculté qu’elle s’exerce) mais de ce qu’il est au départ “mal tourné” (dans le mauvais sens).

Ici, on peut dire que c’est, plus proprement (ou en plus d’être) qu’une conception métaphysique de l’éducation, une conception morale. Cf. fait que Platon dit bien que l’âme “regarde ailleurs qu’il ne faudrait”.


CONCLUSION

Si la conception de l’éducation comme “ascèse” n’est plus trop en vogue, il nous paraît toutefois toujours actuel de concevoir l’éducation non comme un apprentissage ou comme un remplissage de l’âme mais plutôt comme une transformation de l’être, et l’acquisition d’une certaine manière d’aborder les choses. De plus, il est tout à fait pertinent de rattacher l’éducation à la philosophie : la philosophie n’est-elle pas éminemment une entreprise éducative (consistant à nous détacher de nos préjugés, à avoir du recul face à eux, etc.) ?

 

 

 

 

 


 

 

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