Que
signifie un “langage privé”? Que le seul référent
du langage soit mes propres sensations, conçues comme totalement
privées. Ce langage ne pourrait être appris à
personne d’autre. L’auteur se demande donc s’il
existe des mots dont la signification soit des événements
internes à mon esprit. C’est une critique de la thèse
cartésienne selon laquelle on pourrait avoir accès
à son propre esprit (in 2nde Méditation) ; et aussi
de la thèse cartésienne sur le langage qui se trouve
dans une lettre à Newcastle : Descartes y dit en effet
que pour penser, on n’est pas obligé d’avoir
un langage -le langage n’en est que l’expression.
Wittgenstein estime que toute définition ostensive commence
dans le langage qu’elle présuppose, et non hors de
lui. En effet, d’abord, afin de pouvoir utiliser un terme,
il faut que je sache de quelle catégorie grammaticale il
relève ; ainsi, si je peux me concentrer sur mon propre
mal de dents et dire “ceci est une douleur”, il faut
que je puisse savoir ce qu’est une sensation, ce qui suppose
qu’on sache déjà utiliser un langage. Il faut
que quelqu’un d’autre que moi puisse me dire ou asserter
que je fais un bon usage de la règle.
Il rejette la façon que nous avons d’expliquer l’intimité
que nous avons avec nous-mêmes : nous faisons en effet comme
si nous avions un “monde intérieur”. Or, en
ai-je besoin pour expliquer que j’ai mal aux dents? En fait,
nous avons bien une vie intérieure, mais elle ne consiste
pas à observer des évènements : elle consiste
à se demander si par exemple je suis ou pas malheureux
et par conséquent, à savoir employer ce genre de
questions. Ce qui fait que nous avons une vie intérieure,
c’est que nous parlons ; et cela suppose un langage commun,
public, dont elle est induite. La preuve en est qu’on n’accorde
pas la vie intérieure à des êtres incapables
de parler. Notre vie intérieure consiste donc à
savoir utiliser un langage qui est public ; par exemple, il a
bien fallu que j’apprenne que j’ai une douleur -savoir
qu’on a mal, c’est être capable d’employer
correctement “avoir mal” dans un langage.. Pour cela,
on a appris à remplacer un cri par une expression. Un énoncé
comme “j’ai mal”, remplacerait un grognement
ou un geste. Il n’indique donc pas du tout la découverte
de quelque chose, mais il est une expression de douleur ; et on
a appris que c’était une douleur. L’énoncé
ne décrit rien, mais signale quelque chose. L’idée
qu’on puisse décrire des sensations, est inintelligible
car décrire suppose l’observation, l’examen,
l’investigation, la possibilité de l’érreur,
etc. ; cela supposerait donc que certains pourraient être
plus connaisseurs de leurs sensations que d’autres, ou encore,
pourraient mieux apprécier leurs douleurs, ou qu’il
puisse y avoir une hallucination interne...On peut apprendre à
mieux voir ou décrire les objets, affiner mon observation
du monde ; mais on ne peut devenir un connaisseur de ses propres
sensations.
La vie intérieure n’est donc nullement au-delà
du comportement. La thèse de Wittgenstein a donc des conséquences
intéressantes sur notre rapport à autrui : en effet,
il n’y a plus de raison de penser que quand je vois que
quelqu’un souffre, j’ai seulement un savoir indirect
de quelque chose qui serait caché derrière son comportement,
et auquel par définition je n’aurais pas accès.
La joie, la douleur, etc., ne sont pas des évènements
qui accompagnent des comportements manifestes et repérables,
ce sont des comportements, même s’ils ne s’y
réduisent pas (sinon on tombe dans le behaviorisme). La
connaissance des autres consiste donc à partager suffisamment
pour pouvoir identifier les affects, etc.
Les conséquences:
1) les significations linguistiques ne peuvent se trouver dans
une expérience privée car l’expérience
privée suppose celle-ci.
2) les fondements de notre connaissance ne peuvent être
privés.
3) rejet du mentalisme